La vente de jarre est devenue une activité génératrice de revenue à Conakry. Pour mieux comprendre autour de la fabrication jusqu’à la commercialisation de ces récipients traditionnels en voie de disparition ou de la dévalorisation, notre rédaction à travers un de ses journalistes est allé récemment à la rencontre des vendeurs de jarre au marché Madina, le grand centre de négoce du pays. Par définition du mot Jarre est féminin. Il signifie un récipient généralement en terre cuite, de forme ovoïde et de différentes dimensions, où l’on conserve l’eau, l’huile, les olives. Fontaine de terre cuite dont on se sert dans les maisons.
Installé sous le pont du marché avaria ou il vend ses marchandises, Issiaga Soumah, un jeune vendeur de jarre assit, les yeux fixés sur ses marchandises à l’attente des clients a bien voulu nous accorder un entretien sur son métier, la vente de jarre. Dans cet entretien, Issiaga a fait savoir qu’il ne fabrique pas de Jarre mais il explique comment il voit des femmes l’obtenir à partir de la terre (argile).
« Nous, on ne fabrique pas ces jarres. Ça se fabrique à Mamou, Porédaka, Labé, kankan, Siguiri et à Dabola. Se sont des femmes qui les fabriquent là-bas. Souvent, on se déplace pour aller dans les villages profonds, loin les centres des villes susmentionnées. Ces Jarres sont fabriquées à partir de l’argile. Cette argile, les femmes la prennent en brousse profonde pour l’amener sur les lieux de fabrication.
Une fois sur les lieux, elles la pillent dans les mortiers à l’aide des pilons pour écraser les cailloux qui sont de dedans. Puis, elles mettent de l’eau sur l’argile pour décanter les petits morceaux de cailloux. Elles la remettre encore dans les mortiers pour piller encore. Ainsi, ça prend la forme d’une pate élastique comme du chewung-gum. C’est après cette étape qu’elles font des dessins de jarre à eau ou canaris dans la terre pour déverser la pate de ces argiles pillées. Ça prend ainsi la forme souhaitée. Une fois que la fabrication est faite, elles vont les mettre au soleil pendant deux à quatre jours voire un mois selon la qualité et le volume d’épaisseur de Jarre.
Après cette autre étape, elles vont mettre encore dans le feu pour les brûler afin d’avoir les différentes couleurs de Jarres ou Canaries, rouge et noire. La couleur rouge s’obtient en brûlant les uniquement. Pour la couleur noire, on l’obtient pendant la brûlure en mettant un peu d’eau dans le feu comme si on voulait l’éteindre. Une fumée noire se dégage et donne directement la couleur noire. C’est comme ça que je les ai vu en train de faire la fabrication de Jarre ou Canaries », a expliqué le jeune homme.
Comme d’autres secteurs d’activité, des vendeurs de cette matière rencontrent des difficulté dans leurs activités quotidiennes. Notamment dans l’acheminement de leurs marchandises. « Nous traversons beaucoup de calvaires en matière de transport de nos marchandises dans les villages pour venir Conakry. La première des choses, c’est l’enclavement de la zone de production de la poterie, la dégradation de la route. Quand tu prends des marchandises là-bas, certains de ses pots se cassent en cours de route. Tu peux prendre cent (100) unités, dès fois, tu peux perdre presque la moitié au cours de la route. Pour embarquer nos marchandises dans un camion, on place d’abord des choses pour les protéger. Tels que des sacs de fonio, de maïs après nous mettons ses pots et canaries au dessus pour les sécuriser dans le véhicule aussi.
Avant ça, souvent quand tu dis à un chauffeurs de transporter ces marchandises là à Conakry, il te dit : je ne vais pas te taxer mais je ne prends pas de garantie quand ça se casse. C’est-à-dire quand ça casse qu’il n’est pas responsable. On est obligé d’accepter cela parce qu’on a besoin d’acheminer nos marchandises vers les points de vente, à Conakry. Nous demandons dans ce sens aux autorités de nous aider pour changer l’état des routes. L’état actuel des routes joue énormément sur nous », a déclaré Issiaga Soumah. Un appel déjà tombé dans de bonnes oreilles. Car les autorités de la transition s’activent dans le processus de désenclavement à l’intérieur du pays.
Le problème de points fixes de vente et la rareté de clientèles à Conakry sont entre autres difficultés évoqués par notre interlocuteur. « Une fois à Conakry, on a d’autres difficultés qui se présentent nous. Il y a le problème de place. On n’a pas une place fixe où on peut vendre nos marchandises. On est victime de temps à autres de déguerpissement. On est sous le pont ici, nos marchandises passent la nuit ici. On les couvre à partir des tissus usés quand la nuit tombe mais parfois les gens viennent casser ça.Certains ne le font pas exprès puisque les choses sont couvertes donc elles ne se rendent pas compte que ce sont des marchandises fragile qui y sont. On n’a pas là où se plaindre. On n’a pas de moyens pour stocker ça dans des magasins qui sont très chers alors qu’il y a rareté de clients avec cette conjoncture. Parfois, on peut faire toute une journée sans rien gagner. Actuellement, on peut faire un ou deux mois sans que nos marchandises ne s’épuisent », a déclaré le jeune Issiaga.
Autrefois utilisés dans les cases surtout aux villages pour la conservation de l’eau à boire, ces jarres sont actuellement utilisés pour d’autres fins à en croire interviewé. « Quelques rares clients qui viennent faire des achats utilisent pour la majorité des cas ces jarre pour la conservation de leurs médicaments individuel ou collectif. Sinon, si vous mettez l’eau à boire dedans, ça va naturellement se glacer et c’est très bon pour la santé. Quand tu bois l’eau de la canarie, ça peut te protéger. Même si quelqu’un fait du maraboutage contre toi, ça ne va pas marcher. Mais on a oublié nos coutumes. Quand tu bois l’eau de la Canarie, tu peux faire des heures sans avoir soif. Mais on préfère l’eau de congélateur, l’eau glacée par le courant qui est parfois source de maladie etc », a fait savoir Issiaga Soumah.
D’après Issiaga la meilleure qualité d’argile pour la fabrication de jarre vient de Porédaka dans la région de Mamou, suivis de Kankan, de Labé et de Dabola. « Mais la plus jolie argile en la matière vient de Dabola. Le processus de fabrication prend parfois un ou deux mois selon la qualité », a précisé Issiaga Soumah.
Parlant du prix d’achat, il indique que le coût unitaire de ces jarres à eau au Marché madina varie de 5 000 francs guinéens à 50 000 francs guinéens selon le volume de rétention d’eau. « Pour une jarre qui prend un litre, on la revend à 5 000 GNF. Pour une jarre qui prend plus de trente litres, on la revend à 50 000 GNF. C’est pas cher là où on prend mais c’est très difficile de les envoyer à Conakry sans que ça ne se casse. Étant grossiste, on peut payer sur les lieux de fabrication une unité à 4 mille francs guinéens. On la revend à 5 mille francs guinéens à Conakry. Dans tout ça, nous, on cherche 5 ou 10 mille francs guinéens d’intérêts. J’invite l’État a valorisé ces produits en nous accompagnant dans nos activités pour le bonheur des populations en général et les artisans guinéens en particulier », a conclu Issiaga Soumah.
Mamadou Kouyaté
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