
Alors que son parti, le Congrès national africain (ANC), cherche à le pousser vers la sortie, le président de l’Afrique du Sud s’est exprimé mercredi 14 février, jugeant la demande de démission « très injuste ». Jacob Zuma qui a pris la parole lors d’un entretien en direct à la télévision publique SABC, a encore regretté que « ce sujet soit soulevé en permanence », et a ajouté :
Peu avant son intervention, comme le relève sur son compte Twitter le correspondant du Monde en Afrique du Sud, Jean-Philippe Rémy, l’ANC a annoncé qu’une motion de défiance serait débattue jeudi au Parlement si M. Zuma n’a pas remis d’ici là sa démission, comme cela lui a été ordonné. « On procède avec la motion de défiance demain [jeudi] pour que le président Jacob Zuma soit démis de ses fonctions et que nous pussions élire » l’actuel patron de l’ANC, Cyril Ramaphosa, au poste de président de la République, a déclaré le trésorier général du parti, Paul Mashatile, lors d’une conférence de presse au Cap.
Le conseil exécutif de l’ANC s’est accordé lundi soir pour « rappeler » le chef de l’Etat, qui, comme tout membre du parti, est « déployé » dans une fonction. Celui-ci doit encore accepter la décision. L’ANC n’avait toutefois pas donné à M. Zuma de date butoir pour s’y plier. Le secrétaire général du parti, Ace Magashule, s’était dit « certain » que M. Zuma se prononcerait mercredi.
Arrestations de proches de Zuma
En parallèle, l’unité d’élite de la police sud-africaine, les Hawks, a conduit une opération au domicile de la sulfureuse famille Gupta à Johannesbourg, mercredi, et arrêté trois personnes, dans le cadre d’une enquête sur des détournements de fonds et du trafic d’influence à la tête de l’Etat.
Peu avant 8 heures mercredi, une grosse cylindrée noire aux vitres teintées a quitté l’imposante propriété des Gupta située dans le luxueux quartier de Saxonwold, escortée de plusieurs véhicules de police. « Trois personnes ont été arrêtées et deux autres suspects doivent se rendre aux Hawks », a précisé la police dans un communiqué, sans donner de noms.
L’« opération est liée » au scandale de « capture de l’Etat », le nom donné aux affaires politico-financières impliquant le président Jacob Zuma, a déclaré à l’Agence France-Presse Hangwani Mulaudzi, porte-parole de la police. Et plus particulièrement à un dossier dans lequel les Gupta sont soupçonnés d’avoir bénéficié frauduleusement de fonds publics versés par la province du Free State (centre) pour un projet d’exploitation laitière, ont précisé les Hawks.
Crise politique
L’Afrique du Sud est actuellement plongée dans une crise politique provoquée par le refus du président Zuma de quitter le pouvoir. Le chef de l’Etat est éclaboussé par plusieurs scandales qui entachent la réputation de son parti, le Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis 1994.
Selon un rapport de la médiatrice de la République publié en 2016, les trois frères Gupta sont impliqués dans la gestion des affaires de l’Etat sud-africain, de la nomination de ministres aux pressions pour obtenir de juteux contrats publics. Leur propriété de Saxonwold est devenue une sorte de présidence bis, où les frères d’origine indienne ont offert des postes de ministres à des responsables de l’ANC, selon plusieurs témoignages recueillis par la médiatrice. M. Zuma, dont le fils Duduzane apparaît aussi au cœur de ces affaires, a reconnu entretenir des relations d’amitié avec les Gupta mais nié leur influence dans les affaires de l’Etat.
La pression sur les frères Gupta et Jacob Zuma s’est accrue depuis que le chef de l’Etat a cédé, en décembre, la direction de son parti à l’actuel vice-président du pays, Cyril Ramaphosa, qui a fait de la lutte anticorruption une priorité. Selon la presse locale, un total de 220 millions de rands (15 millions d’euros) auraient été détournés au proit de la fratrie.