samedi , 1 avril 2023

Il y a quatre mois, voici ce que le nouveau Premier ministre pensait de la politique minière de l’Etat

Lorsque je le rencontre début septembre dans son bureau qui surplombe la direction générale du Port Autonome de Conakry en compagnie d’un collègue de l’agence de la presse Bloomberg, Mamady Youla était loin de s’imaginer Premier ministre quatre mois plus tard.

 

Nous, journalistes à qui il avait accepté d’accorder une interview et une visite des installations de Guinea Alumina Corporation à Kamsar le lundi 7 septembre, non plus, ne pouvions imaginer le voir occuper ce poste maintenant.

Quoiqu’il en soit, Mamady Youla, alors directeur général de GAC est apparu comme un homme impatient. Impatient de voir le secteur minier guinéen connaître un réel boom. Il affichait son insatisfaction quant aux différentes politiques minières initiées depuis les mouvements sociaux de 2006 sous la houlette des syndicalistes, dans le but d’impulser une nouvelle dynamique à ce secteur vital de l’économie guinéenne.

Dans un franc-parler, alternant des arguments sur le projet Emirates Global Aluminium – EGA- qu’il pilotait et son opinion sur la politique minière de l’Etat en sa qualité de guinéen d’abord, puis d’investisseur privé et de président de la Chambre des mines ensuite, Youla regrettait le retard accusé par la Guinée dans l’élaboration d’une politique attrayante.

L’homme a déploré le fait pour les autorités guinéennes de s’être engagées depuis  neuf ans dans des réformes interminables liées au cadre juridique et réglementaire. « On n’a pas su accélérer les investissements alors que la conjecture était favorable », regrettait-il dans un premier entretien à Conakry.

Économiste, le futur Premier ministre nous laissait comprendre que la révision des conventions minières entamée en 2007 avec tous les vices forme qu’on peut imaginer, avait fait fuir les investisseurs. « Le gouvernement n’était pas bien préparé et on n’avait pas de visibilité sur le processus », nous avait-il confié.

Pour Mamady Youla, les problèmes de gouvernance existants à l’époque, suivis de l’arrivée de la junte militaire au pouvoir en 2008 n’étaient pas pour encourager les investisseurs en général, et les miniers en particulier. « Les investisseurs n’étaient pas prêts à engager des milliards de dollars. La demande d’investissement n’a fait que baisser », avait-il poursuivi.

S’agissant de l’ère Alpha Condé, le Directeur général de GAC à l’époque a fait savoir que le gouvernement a montré sa ferme volonté de faire changer la donne. Même si, selon lui, l’amendement du Code minier en 2013 est intervenu avec un retard. D’autant qu’il a eu lieu au moment où les investissements avaient commencé à devenir rares. « Le gouvernement a essayé de se rattraper mais entre-temps la conjoncture est arrivée. La fenêtre d’opportunités qui était ouverte a commencé à se refermer », déplorait-il, en faisant recours à la crise économique internationale.

Celui qui est depuis ce samedi 26 décembre le Chef du gouvernement de Guinée s’était montré très critique. « Nous avons fait beaucoup d’erreurs. Depuis 2006, nous avons passé beaucoup de temps à parler de la politique, de l’adoption de la nouvelle législation et de la révision des accords existants. Le problème est qu’entre-temps, il y avait moins d’actions dans les mines. Les ressources ne sont pas développées », avait-il déclaré, le lundi 7 septembre, pendant une seconde interview cette fois, à Kamsar, au Port minéralier de GAC en construction (Photo). Et Mamady Youla de poursuivre. « Nous avons un problème de gouvernance qui est différent de la corruption. Pour développer un projet comme Simandou, le gouvernement doit chercher de nouvelles approches ».

Répondant à une question relative à son impression sur les crises politiques récurrentes en Guinée, l’investisseur privé que nous interviewions s’était montré toutefois moins alarmiste. Estimant que les tensions qui surviennent de temps en temps sont propres à tous les pays en transition démocratique. « Ce n’est pas propre à la Guinée », avait-il dit.

 

Mamady Youla l’homme que nous avons côtoyé des heures durant, avec qui nous avons échangé sur tous les aspects de la politique économique et minière de la Guinée suscite de l’espoir. L’espoir de voir le pays poursuivre et renforcer, sous la conduite de son gouvernement, le développement socio-économique sur fond de dialogue entre opposition et mouvance présidentielle. Il mérite un crédit de confiance. Jusqu’à preuve du contraire.

Par Elie Ougna
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