
La mouvance croit savoir que le boulot doit être fait par le questeur. Si les deux bords brandissent un même règlement intérieur, les conditions pour un débat de sourds sont réunies.
Ce mardi 16 décembre, l’atmosphère était surchauffée à l’hémicycle. En cause, l’examen ou non du projet de loi du budget de l’Assemblée nationale.
Pour le groupe des libéraux-démocrates (opposition), le débat sur le budget de l’Assemblée nationale doit se tenir en plénière. Selon leur porte-parole, le Dr Fodé Oussou Fofana, le droit des députés de connaître le budget de leur institution est indiscutable. « Nous considérons que si le parlement examine les budgets des départements, nous ne pouvons pas ne pas examiner notre propre budget », explique-t-il dans une motion, peu avant l’adoption de la Loi sur la Programmation militaire.
« L’Assemblée nationale contrôle l’action gouvernementale. Elle doit donner un bon exemple’’, ajoute-t-il, tout en précisant que plusieurs parlements examinent leur budget en plénière. Et ce n’est pas à la Guinée de faire exception.
En prenant la parole, Amadou Damaro Camara, président du groupe parlementaire Alliance Arc-en-ciel, affiche sa surprise. Il invite ses collègues de l’opposition à s’abstenir de tout vote à défaut de boycotter la session. « Nous sommes au regret de ne pouvoir tenir, fut-il à huis clos, une session sur le budget de l’Assemblée nationale », coupe-t-il court.
L’opposition parlementaire revient à la charge et rappelle que sa demande relève d’un « principe élémentaire » qu’est la transparence.
Dans la salle, la tension monte. Des mots peu amicaux fusent de partout. Certains députés, en bon maninka, demandent au président d’interrompre ce « faux débat » qui vise à faire perdre du temps.
Le député RPG Arc-en-ciel Dr Ousmane Kaba menace « d’aller loin avec une sœur » de l’opposition qui réclame plus de transparence dans la gestion du budget du parlement.
Aliou Condé de l’UFDG tente de ramener tout ce beau monde à la raison. Son argument selon lequel le monde évolue et que l’Assemblée nationale de Guinée doit s’adapter à la notion de transparence n’y fait rien. « Si près de 120 milliards de francs guinéens sont sortis et nous n’avons jamais vu un appel d’offre dans un journal, il est de notre droit de le savoir. Nous avons le droit de savoir ce qu’il s’est passé avec le budget. C’est une incurie à corriger », affirme-t-il.
Une élue sans doute de la mouvance rappelle à l’honorable Condé son aventure aux États-Unis après son séjour au gouvernement sous Lansana Conté. Éclats de rire dans la salle.
Dans un style complètement décalé, Saloum Cissé du RPG estime qu’on ne peut pas parler du budget 2014 de l’Assemblée nationale alors qu’on n’est pas au 31 décembre. Comme si les débats sur les budgets sectoriels des ministères et la Loi des finances rectificative ont attendu fin décembre pour avoir lieu.
Dans ce brouhaha total, le président de l’Assemblée nationale invite la Commission Défense et Sécurité d’introduire le ministre délégué à la Défense nationale. Et bonjour le tohu-bohu.
L’opposition parlementaire décide d’empêcher la tenue du discours de la Commission Défense et Sécurité. En tapant sur les bancs. On se croirait dans une salle de maternelle.
Devant les bruits de plus en plus assourdissants, les députés de la mouvance conseillent de faire évacuer leurs collègues de l’opposition de l’hémicycle.
Le Dr Fodé Oussou reprend le micro pour rappeler qu’une évacuation manu militari n’est pas la bonne solution. « Notre vaillante armée n’a rien à voir avec nos problèmes ici », souligne-t-il, sous les ovations de l’opposition.
La scène est insoutenable. Le personnel parlementaire et les invités, en ce moment, tiennent leur tête. Le général Aboubacar Sidiki Camara, dit Idi Amin, chef de cabinet au ministère délégué à la Défense, sort de l’hémicycle pour faire les cent pas.
Le président de l’Assemblée nationale, Claude Kory Kondiano, tente de reprendre les choses en main. Mais impossible. Depuis le perchoir, il déclaré l’irrecevabilité de la demande l’opposition. « J’ai vu le règlement intérieur comme vous et je n’ai vu nulle part que le budget de l’Assemblée nationale doit être adopté à huis clos ou en plénière », dit-il.
Le cafouillage se généralise. Les députés de l’opposition continuent de taper sur les bancs. Le bruit devient de plus en plus assourdissants. Les experts militaires français détachés auprès de l’armée guinéenne semblent gênés par ce spectacle.
L’opposition qui avait préparé des pancartes les brandit. On peut lire : ‘’L’Assemblée nationale doit donner le bon exemple de transparence’’.
C’est dans ce désordre que prend fin le discours de la Commission Défense et Sécurité. Tonnerre d’applaudissements. Les opposants tapent les mains en signe de désapprobation. Tandis que ceux de la mouvance applaudissent en signe d’encouragement et d’approbation. Jean-Marie Doré venu en retard tente de prendre la parole. En vain. La faute à son micro qui refuse de s’allumer et au président Kondiano qui ne le voit pas.
Le calme revient néanmoins avec l’arrivée du représentant du ministre délégué à la défense nationale pour son discours.
Après un bref discours, Claude Kory Kondiano demande s’il faille poser des questions d’éclaircissement. La mouvance oppose une fin de non-recevoir à l’idée. Elle suggère d’aller droit au vote. Ce qui est fait. A la hâte, l’importantissime Loi sur la Programmation militaire, premier du genre en Guinée, est adoptée alors que certains députés sont débout. Et la cession est levée.
Dans les couloirs de l’hémicycle, certains fonctionnaires parlementaires se disent déçus par le théâtre mis en scène par les honorables députés.
Elie Ougna
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