
Il est, mieux encore, le premier chef d’Etat à oser embrasser une femme que ses concitoyens traitent en paria, parce qu’en mars dernier elle était recensée parmi les malades. Le 6 avril 2014, pourtant, douze jours après le diagnostic, Fanta a rejoint le camp des vivants, munie d’un certificat de guérison. Ça n’a pas suffi. Avec ses 1 300 morts en Guinée depuis le début de l’épidémie, ses 5 500 morts dans toute l’Afrique et son taux de guérison de moins de 50 %, Ebola continue de faire peur.
Le protocole a prévu la visite du laboratoire Pasteur à l’hôpital Donka de Conakry. A son arrivée, François Hollande passe devant le camp où 33 malades, touchés par le virus, sont confinés dans des tentes en plastique bleu cachées derrière des bâches. Sur le côté, on aperçoit un incinérateur servant à brûler le matériel contaminé. Un fossé a été creusé autour de cet espace où les risques de contagion sont accrus. « J’ai hésité à entrer », confiera en privé le président français. En fait, comme tout le monde, il respectera les consignes. Pas question d’accéder aux malades sans combinaison de sécurité. Il jouera son rôle dans la campagne d’hygiène qui se livre dans tout le pays en se lavant les mains de longues minutes avec un gel antibactérien, puis en laissant l’infirmière prendre sa température avec un thermomètre infrarouge. Le résultat est annoncé aussitôt : 36 °C. « Vous voudriez plus ? » plaisante-t-il. Quel que soit le drame, quelle que soit la latitude, le président français ne renonce pas à ses petites blagues. Son bouclier contre la déprime. Mais s’il ne se prend pas au sérieux, qui le fera à sa place ?
Et, pourtant, le Pr Olivier Lyon-Caen, son conseiller santé à l’Elysée, observe : « Ce qu’il a fait, jamais les services de sécurité américains ne l’auraient autorisé à Obama… » Chacun a pu noter que le président du Ghana, John Dramani Mahama, lors de sa visite en septembre, s’était contenté de serrer la main des seuls diplomates. Alors, à l’aéroport de Conakry, le président guinéen, Alpha Condé, s’est empressé de tirer les leçons de cette entrée en scène. « Si le président de la République française vient en Guinée, ça veut dire que tout le monde peut venir », observait-il, ajoutant : « C’est plus important encore que l’aide financière. »