
C’est à croire que certains dirigeants africains n’ont pas tiré les enseignements qu’il fallait sur ce qui s’est passé au Sénégal il y a trois ans. Le Président Blaise Compaoré semble faire partie de ceux-là. Ce n’est pas parce que « le sucre est doux à tous les bouts », comme le dit un proverbe, qu’il faut se laisser aller à la tentation de le sucer… par tous ses bouts. Certains chefs d’Etats africains semblent, jusqu’à présent, ignorer qu’ils ont seulement une mission à accomplir pour leur pays et pour leur peuple, dans un temps délimité par leur(s) mandat(s). (Les hommes passent, les Institutions demeurent). Ou bien c’est plutôt le pouvoir qui les enivre jusqu’à leur faire perdre la raison. Le pouvoir rend fou, dit-on.
Toujours est-il que le Président Compaoré pouvait s’éviter la situation dans laquelle il s’est empêtrée. Il est en train de perdre le bras de fer qu’il mène contre son peuple. Les « hommes intègres » ont su lui retourner la peur qu’il a voulu leur infliger en exposant son arsenal militaire dans les rues de Ouagadougou. Ce qui est grave, dans cette histoire, c’est que les dirigeants comme lui sont en train de pousser les peuples africains à s’habituer à la révolte contre l’autorité, et cela pourrait conduire à l’anarchie et au chaos sur le continent. L’Afrique a des priorités de développement plutôt qu’autre chose. Ebola est là, qui y fait des ravages, et nous ne sommes même pas capables de lui faire face efficacement.
La chance (?) du Président Wade, c’est qu’il a été élu et réélu démocratiquement, et, surtout, notre peuple a eu assez de maturité… démocratique pour le laisser terminer son deuxième mandat. Le Président du Burkina Faso, lui, n’est pas dans la même situation. Tout le monde connait les conditions dans lesquelles il a pris le pouvoir. Et le fait d’avoir duré à la « station présidentielle » est loin de militer à sa faveur. On est tenté de dire qu’il est actuellement obligé de choisir entre la Peste du départ anticipé (qui ne lui épargne pas forcément la vindicte populaire) et le Choléra (qui est une fin tragique, malheureusement), si l’on se réfère au proverbe selon lequel, celui qui se sert de l’épée périra par l’épée. Pourvu qu’on n’en arrive pas là.
C’est le lieu de revenir sur l’intention de certaines autorités africaines de faire voter une loi qui permettrait aux chefs d’Etats Africains d’être « intouchables » après leur exercice du pouvoir. Un véritable retour aux temps des Républiques Bananières. Le voleur qui cache son butin au toit d’une maison ne voudrait que personne lève le regard vers le haut. Et celui qui se sent morveux se mouche. Les Présidents en exercice, qui n’ont rien à se reprocher parce que n’abusant pas de leur impunité, n’ont que faire de cette odieuse loi. Cela n’est-il pas, d’ailleurs, une façon de faire de la « station présidentielle » une sorte de mangeoire où n’importe viendrait se goinfrer comme il veut, aux dépens des siens ? Cela n’est-il pas une façon de cautionner, quelque-part, toutes les exactions que ferait un Président en exercice ?
La bonne idée kay, serait de faire en sorte que les complices de tout Président coupable d’exactions, ou qui tenterait de s’éterniser au pouvoir, puissent subir le même sort que ce dernier. A défaut, il s’agira de les identifier d’abord, puis de les suspendre, à vie ou non, de tout poste (électif ou nominatif) de responsabilité dans leur pays. Il n’y a pas de corrupteur sans corrompu. Or, dans un acte de corruption, le corrompu est aussi impliqué que le corrupteur. Il n’y a donc pas de raison que l’un soit sanctionné et l’autre pas. Pour en revenir à la situation qui prévaut actuellement au « pays des hommes intègres », nous osons espérer que la situation va bientôt revenir à la normale. Puisque le Président Compaoré est en train de lâcher du leste.
Pape O.B.H. Diouf 31 Octobre 2014