
Le CHU de Donka est le plus grand centre hospitalier en Guinée. Mais en raison de la présence du centre d’isolement d’Ebola, cet hôpital est de moins en moins fréquenté par les patients.
Si par le passé les malades et les visiteurs se bousculaient à la rentrée principale, formant de longues files d’attente, cet hôpital est aujourd’hui un des centres les plus craints.
Lavage des mains
A l’entrée principale, les dirigeants ont installé un kit de prévention contre Ebola. Aux urgences, le même dispositif est visible. Là-bas, le lavage des mains est obligatoire. Mais en dépit de tous ces dispositifs, peu de personnes s’y aventurent.
Dans les conversations avec quelques patients, nous avons compris que beaucoup ont emprunté un raccourci selon lequel, Donak est égal à Ebola.
Ce mercredi 10 septembre, à 14h, nous avons rencontré des hommes en blouse blanche confortablement installé sur un banc à l’attente de patients. Une scène plus tôt incroyable en temps normal.
« Depuis un certain temps, l’hôpital Donka a complètement perdu sa clientèle. Les malades ne viennent plus », confie une infirmière rencontrée dans les couloirs du service des urgences. Si non, ajoute-t-elle, les urgences pouvaient enregistré une trentaine de malades par jour.
Signe que des Guinéens craignent Donka, son service d’urgences n’a enregistré aucun malade le lundi 8 septembre dernier, selon des sources crédibles. « Cette situation est due à Ebola », confirme notre interlocutrice.
Mme Kourouma, une autre infirmière croit savoir que la méfiance de la population s’explique par une mauvaise compréhension des choses. « Les gens préfèrent aller dans les cliniques privées que de venir dans les grands centres hospitaliers où la prise en charge est effective. Nous demandons aux malades très grave de venir à Donka. Il n’y a aucun problème », lance-t-elle. « Que les gens comprennent que ceux qui travaillent dans le centre de traitement d’Ebola sont des Guinéens. Ils sont là pour sauver des vies. Qu’ils n’aient pas peur ! Les gens sont là pour soigner et non pour contaminer ».
Effet de contagion
La crainte des hôpitaux est due en partie à la présence de Thermo flash. Ces appareils utilisés par les médecins pour mesurer la température des visiteurs. « Les gens fuient l’hôpital par mauvaise information. Si vous voyez qu’on utilise les Thermo flash en pistolet ce ne sont pas des balles que nous utilisons. Ce sont des piles », tente d’expliquer un médecin qui a requis l’anonymat.
La Guinée fait face à une réticence de certaines communautés locales qui estiment que la fièvre Ebola est une arme politique visant à les éliminer.
« Ma mère m’a appelé de Macenta pour me déconseiller d’aller dans les grands hôpitaux où ont inocule le virus dans les corps sains », a affirmé un jeune rencontré dans Simbaya (banlieue de Conkary) . « Au village les gens déconseillent la fréquentation des hôpitaux », ajoute-t-il.
A Conakry, Donka n’est pas le seul hôpital à connaître « la pénurie de patients ». Des malades évitent aussi Ignace Deen, l’autre Centre Hospitalo-universitaire de la capitale guinéenne. « Dans les services comme la réanimation, les gens sont de plus en plus prudents. Y compris les médecins qui ont peur de toucher les patients ».
25 médecins morts d’Ebola
Cette peur se justifie aussi par l’imprudence des médecins. Au moins 25 d’entre eux ont été tués par Ebola, faute d’avoir négligé les règles d’hygiène élémentaires. Le gouvernement a promis d’offrir 10.000 dollars à chacune de leur famille.
Le ministre de la Santé, Colonel Rémy Lamah a pris des mesures draconiennes à l’endroit des médecins. « Celui qui ne porte pas des gants et refuse d’observer les mesures de prévention bénéficiera obligatoirement d’un congé », a-t-il prévenu.
La fièvre Ebola a fait 534 morts depuis sa déclaration en Guinée sur 826 cas enregistrés, selon les statistiques publiées par le ministère de la Santé le 6 septembre. La maladie a resurgi en Guinée forestière où de nouveaux foyers sont enregistrés, principalement à Macenta, où on assiste à l’arrivée massive de personnes infectées en provenance du Liberia voisin.
En raison du pic constaté dans cette partie au sud de la Guinée, Médecins Sans Frontières envisage l’ouverture d’un troisième centre de traitement en appui à celui à Guéckédou et Donka.
L’appel du président
Le président Alpha Condé a appelé mardi ses compatriotes à combattre Ebola, un « ennemie commun ». Il a sollicité l’implication des partis politiques et les médias dans cette lutte en vue de la sensibilisation de la population dont une partie ne croit toujours pas à l’existence de la maladie mortelle.
Pour le Dr Aïssata Touré, directrice de surveillance aux urgences de Donka, « la population doit comprendre que les hôpitaux lui sont destinés ». »Nous sommes là pour le peuple, la nation et pour les malades. Si la population fuit, c’est qu’elle est mal informée’’, regrette-t-elle.
D’après la soignante, la sensibilisation qui est en train d’être faite ne vise pas à effrayer les citoyens. Mais invite à prendre des précautions pour éviter des chaines de contaminations.
Aliou BM Diallo
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