
Samedi 25 janvier. A Menké, un des 8 districts de l’île de Kabak. L’Union des groupements des producteurs est réunie sous un manguier. Cette union qui compte 850 adhérents, repartis en 47 groupements, reçoit une mission du Projet d’Urgence Appui à la Productivité Agricole – PUAPA II – financé par la Banque mondiale. Au menu des échanges, la problématique de l’appui des paysans.
Ce jour, Foulématou Camara, la vice-présidente de l’union est la porte-parole. « Nous avons appris beaucoup de techniques agricoles avec le projet WAP de la Banque mondiale. Mais maintenant que notre localité est désenclavée, nous avons besoin d’étuveuses et d’autres matériels de production», affirme-t-elle. « Nous avons aussi besoin d’engrais et de moyens de commercialisation car nous voulons accroitre notre rendement ». Les propos de la sexagénaire sont accueillis avec beaucoup d’applaudissements.
Kabak désenclavée
La réaction des paysans est fondée. Située dans la préfecture de Forécariah, environ 100 km au sud de Conakry, Kabak est une sous-préfecture à vocation agricole. Elle produit le riz et des produits maraichers.
Il n’y a pas longtemps, les habitants de cette île regagnaient le continent par pirogue, via le port de Sangbon, situé à près de 11 km. Le trajet nécessitait environ 10h de temps. « Mon commerce peinait à fleurir puisque mes marchandises pourrissaient sur place sans avoir atteint les marchés de Conakry ou de Forécariah », rappelle Maminata Bangoura, une vendeuse d’oranges.
Kerfalla Camara, un notable de Kabak se souvient. « Il y a quatre mois, nous n’avions pas de route. Les malades étaient transportés au dos jusqu’au port de Sangbon. Dans certains cas des pirogues étaient disponibles. Dans d’autres, les malades mourraient avant la traversée du fleuve ».
Ce passé semble être un mauvais souvenir. Kabak est désenclavée depuis la construction et la livraison de deux ponts flambants neufs.
Pour Ibrahima Bangoura, sous-préfet de Kabak, ces deux ponts de 100 m et 40 m ont changé les réalités géographiques. « Nous ne sommes plus sur une île, mais une presqu’ile comme Kaloum. On trouve désormais tous les produits ici et le transport est devenu plus aisé. Notre souci principal à présent d’engager le développement endogène », souligne-t-il.
Le trafic à destination de Kabak est fluide. Des dizaines de véhicules assurent la liaison entre cette zone de production et Conakry, Labé, ou encore Koundara. « La construction des ponts nous a sauvés. Maintenant nous pouvons vendre nos produits aux commerçants qui viennent de partout. Nous ne prenons plus de risque avec les pirogues», ajoute Maminata Bangoura.
L’administration déconcentrée se dynamise. Les fonctionnaires qui refusaient la traversée du fleuve en pirogue regagnent leurs postes.
Revigorés par ce désenclavement, les producteurs veulent dépasser les 3.500 ha de domaine déjà aménagés. L’Union des producteurs veut aménager 4.000 ha afin d’accroitre sa production.
Ambitions à l’échelle nationale
La réalisation des ponts de Kabak s’inscrit dans le cadre du second Projet National d’Infrastructures Rurales (PNIR 2). Clôturé en Juin 2013, ce projet de quatre composantes, financé par la Banque mondiale à travers l’Association International de Développement (IDA) à hauteur de 30 millions USD a été paraphé en 2004 pour une durée de quatre ans. Il visait à améliorer l’accès aux zones de production, et à désenclaver les zones rurales, par la réalisation de 6 ponts et la réhabilitation de 920 km de pistes rurales.
Il prévoyait la réhabilitation d’infrastructures socio-éducatives dans des zones touchées par les incursions rebelles en 2000. Au total, 36 bâtiments dont 18 écoles primaires, 12 Bureaux de sous-préfectures, 3 postes de santé et 2 marchés villageois ont été réhabilités, selon le rapport de la Coordination du PNIR 2.
Comme à Kabak, les paysans des zones touchées par le ce projet veulent jouer un rôle important dans la chaine de production et de commercialisation des produits agricoles en Guinée.
C’est le cas à Timbi-Madina, dans la région de la Moyenne Guinée. Les producteurs disposent d’une plate-forme de conservation et de commercialisation de la pomme de terre. La remise officielle de cette infrastructure ainsi que des magasins de stockage et de relais pour les paysans éloignés devrait avoir lieu incessamment. Mais en attendant, pour les paysans, le début des bonnes affaires.
Pour Amadou Dieng, membre de la fédération des paysans du Fouta Djallon, « La plate-forme va permettre de produire des volumes de pommes de terre plus importants, et d’augmenter les revenus des populations locales. Elle rassure les producteurs de la commercialisation d’un produit de bonne qualité à l’extérieur du pays ».
Des investissements à poursuivre
Dans son rapport d’évaluation, la Coordination du PNIR 2 note des difficultés liées aux reformes institutionnelles initiées par le Gouvernement et des changements intervenus au sein de l’équipe dirigeante du projet. Elle a aussi déploré le retard accusé pour l’effectivité du crédit et l’instabilité politique enregistrée en Guinée. Toutes réalités qui, selon les exécutants du projet, ont « influencé négativement le délai général de réalisation du projet et nécessité une rallonge de la BID de la BAD».
En dépit de ces difficultés, on estime que l’arbre ne doit pas cacher la forêt eu égard aux nombreuses retombées socio-économiques du projet qui sont loin d’être négligeables.
Les bénéficiaires promettent de « veiller sur les ponts, les routes réhabilitées et la plate-forme construite car ils sont changé notre existence ».
Sana Camara, Coordinateur du PNIR 2 souhaite des projets de ce genre pour l’amélioration l’amélioration du pouvoir d’achat des paysans et la lutte contre la pauvreté. « Nos félicitations à l’endroit du bailleur de fonds qui a eu confiance en nous. Tout le monde se réjoui de cet apport de la Banque Mondiale qui n’a pas été vain».
Par Ougna Elie Camara
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Note de la Rédaction : Ce texte était nominé au concours Reporter du développement organisé par le Réseau des Journalistes Économiques de Guinée en collaboration avec la Banque mondiale. Kaloumpresse.com a dû changé le titre proposé par l’auteur de cet article.