
Mardi 18 février. Très tôt le matin, la rumeur se propage dans la capitale Guinée. Il semble que l’axe routier Tombolia-Km est en ébullition. Un tronçon pourtant favorable majoritaire favorable au régime en place. A mesure que le temps passe la rumeur se confirme. Plusieurs centaines de jeunes des quartiers Tombolia, Dabompa, Lansanayah-Barrage et Kountia sont dans la rue depuis 6h.
Privés d’électricité depuis la mi-décembre suite à une panne de transformateur qui a plongé 13 quartiers dans le noir de Conakry, les manifestants exigent le rétablissement du courant. La tension monte. La réclamation sensée être pacifique prend une autre tournure. Des actes de vandalisme sont enregistrés çà et là. Les manifestants brulent des pneus, caillassent des véhicules et s’en prennent à des édifices privés.
OAS, victime à tort
La base logistique de l’entreprise brésiliene OAS chargée de la reconstruction du tronçon Dabompa-Km 36 n’a pas échappé à la furie des manifestants. Mur éventré à plusieurs endroits, les portails de la rentrée principale incendiés, les portes des bureaux défoncées, les vitres brisées, le constat offre un spectacle alarmant.
Au moins six machines ont été endommagées. Des ordinateurs et du matériel de bureaux, des climatiseurs, du fer en bêton, des meubles, des pneus, des batteries, entre autres, ont été emportés par des gens qui réclamaient officiellement du courant électrique au gouvernement. L’entreprise n’a pas d’abord fini d’évaluer les dégâts. « On n’a pas fini de chiffrer le bilan », explique Younoussa Camara, Responsable des services généraux de la société. Les décideurs de l’entreprise sont en discussion avec le gouvernement après le saccage.
Par ailleurs, au moins 20 membres du personnel ont été blessés. Ils continuent de recevoir des soins dans différents hôpitaux privés de Conakry.
Comme conséquence immédiate de cette révolte populaire, les travaux de rénovation de la voirie Dabompa-Km36 sont arrêtés. « On a arrêté toutes nos activités pour ce tronçon en attendant de voir la situation au clair », ajoute Younoussa Camara.
Le dommage est important. AOS n’a aucune idée de la date de la reprise des travaux. Pour l’heure, des ouvriers s’attèlent à fermer les trous et rénover cette base-vie maladroitement mise à sac.
« Pas de manipulation »
Le Premier ministre Mohamed Saïd Fofana avait accusé les jeunes d’être manipulés et infiltrés par d’autres personnes venues d’ailleurs. « Des fauteurs de troubles dont certains viennent d’autres quartiers qui ne sont pas concernés par ce manque d’électricité ont semé le désordre », avait-il dit. « La manifestation n’a rien donc à avoir avec le problème de courant », avait ajouté Saïd Fofana, avant de dire que des personnes avaient distribué de l’argent la veille.
A Lansanayah, ces propos font rire. « On a manifesté mardi pour demander qu’on nous rétablisse le courant. Ce n’est pas encore venu, mais nous estimons qu’ils vont maintenant penser à nous’’, souligne Ismael Kéita. Comme bon nombre de jeunes rencontrés, il répond au chef du gouvernement à sa manière. « Il (Premier ministre, NDLR) déclare qu’on est manipulé, je dis que c’est faux. Personne n’est manipulé. Nous sommes sortis pour exiger le retour du courant électrique dans notre quartier’’, affirme-t-il.
Le temps du regret
Dans les environs du siège d’AOS, des personnes interrogées se sont dit incapables de désigner les casseurs. Aussi, aucune résistance n’a t-elle été improvisée pour empêcher le vandalisme contre les biens de l’entreprise brésilienne.
Mais la violence passée, l’heure est désormais au regret. En face d’OAS, dans un bâtiment abritant une tapisserie et un magasin de vente des pièces détachées, un groupe de jeunes discutent autour du thé. « La poussière nous embête ici, mais nous ne pouvons rien. Avant l’arrêt des activités, l’entreprise versait de l’eau pour diminuer cette poussière. Maintenant que les travaux sont arrêtés, nous sommes vraiment inquiets pour notre santé’’, fait remarquer Younoussa Diallo, réparateur de groupes électrogènes et revendeur de pièces détachées.
A quelques encablures de là, un autre jeune, Souleymane Condé, regrette l’arrêt des travaux avec pour conséquence majeure, la poussière en cette période de saison sèche. « La poussière est énorme. Mais on est contraint d’accepter cette situation jusqu’à la fin des travaux. Je déplore l’arrêt des travaux et j’espère que ça ne vas pas durer’’, pense ce marchand de chaussures.
Les travaux d’exécution de la route Dabompa-Km36 ont été lancés en février 2013 pour un délai de 24 mois. La crainte qui anime aujourd’hui les usagers est l’extension du délai d’exécution après l’attaque perpétrée par les émeutiers. « Nous ferons tout pour que le travail reprenne le plus rapidement possible », assure toutefois le responsable des services généraux d’AOS.
Circulation fluide
D’Entag à CBA, quartier abritant la société OAS, on note la présence remarquée d’un dispositif de sécurité. Des camions de police et de gendarmerie sont stationnés dans des endroits divers pour parer à toute éventualité. Au rond-point de Dabompa, le dispositif est impressionnant. sept pick-ups de la gendarmerie veillent sur la circulation des personnes et des biens. La même présence sécuritaire est visible à Lansanayah.
La circulation a certes repris son cours normal sur cet axe. Mais des débris de pare-brises, des troncs d’arbre et les cendres des pneus brûlés, jonchent encore la chaussée. Et laissent déviner l’ampleur des violences qui ont caractérisé les manifestations d’il y a une semaine.
Aliou BM Diallo
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