mardi , 28 mars 2023

Mandela et l’ANC : Le rôle de la Guinée dans la lutte contre l’apartheid oublié?

L’ancien président Sud-africain, Nelson Mandela, âgé de 94 ans est malade. Il est même très malade. L’inquiétude sur l’état de santé du nonagénaire grandit de plus en plus depuis deux semaines qu’il est interné dans un hôpital de Jonnesburg pour une infection pulmonaire.

Le président Sud-africain Jacob Zuma a lui-même reconnu – certainement en désespoir de cause – que Madiba, l’autre nom par lequel l’appellent les sud-africain, est dans un état jugé  »critique ».

 

Comme pour en rajouter à la frayeur, à travers un tweet, l’actuel président de la nation arc-en-ciel a appelé  la nation et le monde à prier pour lui.

 

L’information sur l’état de santé du vieil homme qui a donné presque toute sa vie pour la libération et l’émancipation de son peuple fait le tour du monde. Des documentaires entiers et articles de presses sont quotidiennement diffusés, retraçant la vie de ce grand homme,  prix Nobel de la paix en 1993.

 

Mais le plus étrange dans la vie de Mandela, en tout cas, tel qu’il est présenté par les médias occidentaux et même africains, c’est le fait qu’il est rarement fait état, sinon pas du tout, du passage de Nelson Mandela en Guinée, en compagnie de ses camarades de l’ANC.

 

Tout est fait comme si l’on faisait un effort surhumain à fondre dans la nuit noire de l’histoire, le rôle qu’à joué la Guinée dans la vie de cet homme, ou tout court, dans le combat pour la libération des peuples africains, y compris ceux sud-africains.

 

Du côté du gouvernement guinéen, de la presse locale, et même des partis politiques qui revendiquent l’héritage du PDG-RDA d’Ahmed Sékou Touré, personne ne se donne la peine de rappeler aux africains et au monde entier que notre pays la Guinée, a été l’un des rares pays dans les années soixante, sinon le seul pays africain d’ailleurs, à se battre corps et âmes pour aider l’Afrique du Sud à combattre l’exclusion dont elle était victime de la part d’une minorité blanche.


Nelson Mandela, Govan M’béki, (père de l’ancien président Sud-africain) et bien d’autres figures de proue de l’ANC ont effectivement séjourné en Guinée et ont bénéficié de la protection totale et des petits soins du régime de Sékou Touré, ainsi que des populations guinéennes elles-mêmes, qui ne voyaient point en eux des hommes venus d’ailleurs, mais les considéraient comme des frères guinéens tout simplement.


Mandela et l’ANC ont bien bénéficié de passeports guinéens avec lesquels ils voyageaient. Ils avaient été aussi initiés au maniement des armes en Guinée, afin qu’ils puissent en toute légitimité se défendre contre le régime raciste blanc de Pretoria.


Que les médias étrangers se refusent d’en faire cas, c’est vraiment leurs problèmes, mais qu’en Guinée on veuille mettre ces faits sous l’éteignoir n’est ni plus ni moins qu’une démission de nos aînés.


Que Mandela lui-même en parle peu, ou qu’il daigne se rendre à Dakar le 30 juin 1992 et ignorer la Guinée est son droit le plus légitime, mais que l’élite guinéenne se taise sur de tels faits n’est pas acceptable.


Mes propres témoignages


Le récit que je m’en vais vous relater dans ces quelques lignes est vrai. J’ai décidé de rappeler cette petite partie de notre histoire, qui pour certains peut paraitre comme un fait anodin, mais pour le guinéen et l’africain dont je suis fier d’être, je m’empresse de vous le conter afin de témoigner du soutien que mon pays à apporter à l’Afrique du sud et à l’ANC, il y a de cela, bien des décennies.


Nous étions au mois de juillet 2006, quand le l’ancien président Sud-africain Thabo M’béki effectua une visite d’amitié en Guinée. A l’époque, j’étais le correspondant en Guinée de l’APA, (Agence de presse africaine), basée à Dakar au Sénégal.


Et ce jour, nous avions accompagné le président M’béki à Kindia, parce qu’il avait sollicité des autorités guinéennes, une visite au Camp Kémé Bourama de Kindia, à quelques 137 kilomètres de la capitale Conakry.


Le choix de Kémé Bourama avait une signification très forte pour le président sud-africain. En effet, son défunt de père Govan M’béki, compagnon de lutte de Nelson Mandela et de biens d’autres membres influents de l’ANC y avaient été initiés au maniement des armes, dans la perspective d’une lutte armée contre le régime de l’apartheid.


Et c’est à cette occasion qu’il lui fit présenter un vieil homme qui fût il y avait une quarantaine d’années de cela, le cuisinier de son père Govan au Camp Kémé Bourama De Kindia.


Tenant le président Sud-africain par la main, il alla lui montrer la grosse marmite dans laquelle il cuisinait les plats des précurseurs de l’ANC.


‘’Vous voyez cette marmite là, c’est là où je faisais à manger pour votre papa’’ lui avait-il dit l’air assuré, la voix étreinte d’émotion.


Et toujours le tenant par la main, il lui désigna un arbre qui restait encore là planté au milieu de la cour du camp. ‘’ Sous cet arbre, c’est là que votre père aimait aller se coucher pour lire. Je me rappelle, c’est un vieux qui lisait beaucoup’’.


Ces faits que je viens de relater sont vrais. J’ai fait un article dans ce sens que j’ai envoyé à APA à Dakar et le papier a été diffusé. Je suis fier d’en parler parce que je les ai vécus en personne. Ils méritent aussi d’être cités, parce que cela me réconforte de savoir que mon pays a participé à ce noble combat qui est d’aider un pays frère à se soustraire du joug de l’oppresseur.


Pourquoi avons-nous honte de notre histoire ?


J’ai parfois le sentiment que le Guinéen est devenu cette sorte d’africain qui a honte de ce qu’il est, de son histoire et de son identité même.  On a le sentiment que l’homme guinéen d’aujourd’hui renonce à ce qui devrait être pour lui la chose la plus chère, c’est-à-dire son identité, sa dignité.


S’il y a une chose dans la vie dont je suis le plus fier – je n’ai pas la prétention d’être un modèle -, c’est bien ma GUINEEINITE. Pour tout l’or du monde, je ne la changerai contre rien. Mais pourquoi devrions-nous avoir honte de ce que nous sommes, d’autant plus que les autres n’ont pas réussi à briller comme nous autres ?

 

Loin de moi l’idée de faire croire que mon intention est de passer sous silence certains événements douloureux de l’histoire de notre jeune nation. J’en suis conscient, mais je dis ici avec toute ma force que cela ne saurait en aucun cas, et sous aucun prétexte m’emmener à renier mon histoire.


Mais qu’on me dise, pourquoi devrais-je être complexé ? Et devant qui ? Nos voisins ? Mais pourquoi ? Mais pourquoi ne pouvons-nous pas enseigner aux jeunes notre histoire en restituant la VERITE. C’est-à-dire, dire les faits tels qu’ils se sont passés en n’y ajoutant rien et en n’y altérant rien également.


Le Guinéen doit lever la tête et regarder droit devant lui, mais il ne peut le faire s’il renonce volontairement à un devoir de mémoire. Mais qu’ont fait les autres de si grands que nous n’avions pas accomplis ?


Je le dis et le répète. Le Guinéen doit arrêter son complexe et doit être fier d’avoir eu pour ancêtres des hommes de valeur tels : Soundiata Keita et Soumaora Kanté, Alpha Yaya Diallo, Zogbéla Togba, Dinah Salifou, Almamy Samory Toure etc.


Nous devons être fiers d’avoir eu les premières femmes pilotes en Afrique. Nous devons être fiers, pendant que certains pays africains étaient en intelligence avec l’oppresseur Sud-africain ou le colonisateur, nous Guinéens avoins joint l’acte à la parole en y avoyant des contingents pour libérer certains pays africains.


Sur le plan culturel, nous avons brillé par les ballets Djoliba et Africains. La Guinée a enfanté Sory Kandia Kouyaté, Willyam Sassine qui a été fait Chevalier des Arts et des Lettres en 1983 et Officier des Arts et des Lettres en 1993 en France.

 

Devrions-nous avoir honte d’appartenir au pays de Camara Laye dont l’œuvre l’Enfant noir est étudiée presque dans tous les pays de ce monde? Pourquoi je ne devrais-pas être fier de dire sous tous les toits que je suis du pays de Thierno Monénembo, prix Renedot 2008? Je pourrai à loisir avancer d’autres exemples de ce type. Il est temps qu’on se ressaisisse et qu’on enseigne aux plus jeunes les pages de notre histoire, qui certes a connu des péripéties douloureuses –comme partout ailleurs – mais aussi son côté glorieux.

 

Alpha Camara

Gatineau au CANADA

Tel : 16137006322