
Encore qu’il faille se poser la question de savoir sur quoi l’on se fonde pour affirmer qu’il s’agit de militants de Cellou Dalein Diallo. Sur la liste macabre dressée la semaine dernière, sur les cinq victimes trois ont moins de 18 ans (Le premier 16 et les autres 12) et auraient perdu la vie à domicile ou ailleurs, mais pas dans la rue au milieu d’une procession de marcheurs. Et l’on n’a entendu nulle part qu’on ait trouvé sur les corps une carte de membre d’un parti politique. Alors pourquoi sur les médias, voire partout (le Premier ministre n’est-il pas allé une fois présenter les condoléances du gouvernement à Cellou Dalein Diallo au domicile de ce dernier ?), dès qu’il y a une victime dans la zone de Hamdallaye – Cosa, l’on soutient qu’il s’agit d’un militant de l’UFDG ? Une seule réponse, même si elle n’a rien de réjouissant pour notre démocratie, surtout pour notre quête d’unité nationale : le patronyme !
Ce jeudi encore (et certainement les deux ou trois jours suivants), de nombreux citoyens seront cloitrés à la maison sans aucune possibilité d’aller à la recherche de la pitance quotidienne, d’innombrables élèves ne pourront aller à l’école alors que les évaluations de fin d’année pointent à l’horizon, plusieurs commerçants devront fermer boutique pour échapper à d’éventuels actes de vandalisme, la quasi-totalité des habitants de Conakry passeront des jours et des nuits la peur au ventre, l’ethnocentrisme ambiant aura du grain à moudre, etc.
Mais la question que l’on se pose, c’est pourquoi, au regard du danger qui menace la cohésion nationale et de l’empêchement pour de franges importantes de la population de jouir de leur droit d’aller et venir, le gouvernement ne suspend pas, même pour une période donnée, ces marches qui charrient tant de morts, de blessés et de dégâts matériels.
D’ici l’on entend déjà les cris d’orfraie de ceux qui, au prétexte que l’article 10 de la Constitution consacre le droit à la marche, crient à la violation de la loi. Alors que même dans les démocraties qui nous servent de baromètre, il arrive que les autorités suspendent ce droit pour préserver ceux d’autres citoyens. Ainsi, après la publication dans l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo de caricatures offensantes du prophète Muhammad (PSL), le gouvernement socialiste a donné l’ordre aux préfets de police d’interdire toute manifestation, et de disperser toutes celles qui auraient lieu au mépris de l’interdiction. A défaut, comme le fait actuellement le gouverneur de Conakry, les autorités dans ces pays peuvent interdire la marche sur un itinéraire tout en suggérant un autre. Ce fut récemment le cas, toujours en France, avec « la manif pout tous’’ qui appelait à un rassemblement, le 24 mars dernier, sur l’avenue des Champs-Elysées et la place Concorde (8e arrondissement). Le préfet de police a écrit aux organisateurs pour les informer de l’impossibilité, ‘’pour des raisons impérieuses d’ordre public’’, de se rassembler sur ce secteur, tout en les invitant à étudier, ensemble, les possibilités d’itinéraires alternatifs.
Comme pour dire qu’en Guinée aussi, il est grand temps de pouvoir concilier liberté de manifestation, préservation de l’ordre public et sécurisation des institutions. Lamouche Dukauch