samedi , 1 avril 2023

Guinée-Bissau: la drogue au cœur du pouvoir

Deux hauts responsables de l’Armée bissau-guinéenne sont dans le collimateur de l’Agence américaine antidrogue. L’un a été arrêté, l’autre inculpé par la justice américaine. En frappant ainsi la hiérarchie militaire, les Etats Unis veulent combattre le mal de la drogue à la racine.

La Guinée-Bissau est un petit Etat de 36.120 Km2 situé entre la Guinée et le Sénégal. Ce pays lusophone s’ouvre sur l’océan Atlantique où il compte une soixantaine d’îles faisant partie de son territoire marin d’une superficie de 8120 Km2. La particularité de ce pays membre de la Cedeao, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest, est son instabilité chronique. La vie politique est rythmée par une série de coups d’Etat dont l’un des plus sanglants est celui du 2 mars 2009 qui a coûté la vie au président João Bernardo Vieira dit Nino Vieira abattu dans sa résidence et littéralement charcuté par ses bourreaux, des hommes en armes. Une affaire de drogue avec la Colombie, serait la cause de sa fin tragique.

Le narco-trafic est justement l’une des raisons des agitations qui secouent la Guinée-Bissau. La morphologie du pays, notamment la kyrielle d’îles aux larges de ses côtes, offre des sites appropriés au débarquement de la drogue. La hiérarchie de l’armée en a fait un business très juteux couplé avec le trafic des armes. L’étroite connexion entre l’Amérique latine d’où provient la drogue et Bissau où elle est débarquée avant d’être dispatchée à travers l’Afrique et d’autres régions du monde, inquiète au plus haut point les Etats Unis.

Les Américains qui suivaient avec la plus grande attention ces mouvements depuis plusieurs années, ont décidé d’agir, lorsqu’ils ont découvert un autre deal que les patrons de l’armée bissau-guinéenne faisaient avec l’argent de la drogue. Il s’agit du trafic d’armes avec la guérilla colombienne des Farc, (les Forces armées révolutionnaires de la Colombie), une organisation estampillée «terroriste» par les USA depuis 1997. De la cocaïne produite en Colombie était stockée à Bissau en attendant son acheminement vers les USA. L’argent récolté de ce trafic devait servir à acheter des missiles sol-air officiellement pour l’armée Bissau-guinéenne, mais en réalité, les armes devaient atterrir dans la jungle colombienne chez les Farc.

Sans perdre du temps, la police américaine des stupéfiants la DEA met en place le 2 avril dernier, un traquenard pour capturer l’un des cerveaux de ce trafic en l’occurrence le chef de la Marine de la Guinée-Bissau, le contre-amiral José Américo Na Tchuto alias «Bubo» Natchuto. Des flics américains embarqués sur un yacht aux larges de Bissau la capitale, font croire au patron de la Marine qu’ils sont des hommes d’affaires disposant d’une importante quantité de cocaïne. L’officier qui ne se doutait de rien, rejoint le navire en haute mer.

Emmené dans les cales du bateau, il tombe sur une cinquantaine de policiers en armes qui le menottent puis le conduisent aux Etats Unis. Le 5 avril, il est traduit avec deux co-accusés devant un juge de New York qui les inculpe de «complot de narco- terrorisme avec la guérilla colombienne». Outre Na Tchuto, un autre haut gradé était dans le viseur des Américains. C’est le chef d’Etat major de l’Armée, lui-même, le lieutenant-général Antonio Indjai, l’auteur du dernier coup d’Etat qui a chassé du pouvoir l’ex- premier ministre Carlos Gomes Junior en avril 2012.

Véritable homme fort du pays, son nom a toujours été cité parmi les barons locaux de la drogue. En attendant de le faire également arrêter, la justice américaine l’a inculpé pour trafic de drogue. L’affaire de ces deux officiers de l’armée bissau-guinéenne rappelle l’arrestation le 3 janvier 1990 de l’ex- homme fort du Panama, le Général Manuel Antonio Noriega, par les agents de la même police anti-drogue américaine.

Extradé aux USA, il a écopé de 40 années de prison pour les mêmes raisons. En septembre 2007, il bénéficie d’une remise de peine et devait être libéré, mais la France à son tour le réclame. Le 7 juillet 2010, le tribunal correctionnel de Paris le condamne à 7 ans de prison. Il n’épuisera pas cette peine lorsque son pays le Panama le réclame à son tour en décembre 2011 pour répondre du meurtre de deux opposants au moment où il était au pouvoir. La fortune de ce parrain international de la drogue est estimée à 60 millions d’euros, (39 milliards 300 millions de Fcfa).

 

L’Inter