
Le premier jugement de 2010, suspendu par l’appel, lui a imposé de rembourser le préjudice, ce qui prendrait en théorie des millénaires. Il a été reconnu coupable « d’abus de confiance, faux et usage de faux, introduction frauduleuse de données dans un système informatique ».
Le parquet général a requis le 27 juin un alourdissement de la sanction à cinq ans de prison ferme, soit le maximum encouru. Une telle peine, quand elle est prononcée, est généralement assortie d’une incarcération immédiate, un « mandat de dépôt ». Dans ce cas, un pourvoi en cassation n’empêche donc pas l’emprisonnement.
Jérôme Kerviel a purgé 38 jours de détention provisoire pendant l’enquête.
Le ministère public a rappelé par ailleurs que la jurisprudence imposait en l’état d’exiger du prévenu, s’il était coupable, le remboursement de la totalité du préjudice, même s’il ne pouvait pas le payer. L’avocat général s’en est remis à la cour pour une évolution jurisprudentielle éventuelle.
En pleine crise économique et financière et dans un climat mondial de remise en cause de la finance, cette affaire continue de susciter les passions, un comité de soutien présentant Jérôme Kerviel comme un bouc émissaire et une victime.
Le jeune homme de 35 ans admet avoir pris des positions vertigineuses sur des contrats à terme relatifs à des indices boursiers européens, pour 30 milliards d’euros en 2007, puis 50 milliards en 2008, en les masquant par d’autres ordres fictifs censés couvrir le risque. Il admet aussi avoir répondu par des faux courriels aux interrogations sur son travail.
Après avoir soutenu à son premier procès que sa hiérarchie était au courant, il est passé à une autre version en appel. La banque l’aurait laissé perdre, couvrant ses pertes au sein d’un « desk occulte », dans l’idée de lui imputer les pertes qu’elle prévoyait sur les « subprimes », produits financiers liés aux crédits immobiliers américains à risque.
AFFAIRE DANS L’AFFAIRE
Aucune preuve de cette « théorie du complot » n’a été présentée mais seulement des témoignages indirects.
Sanctionnée déjà au plan administratif d’une amende de quatre millions d’euros pour défaut de contrôle, la Société générale n’est pas sortie indemne des deux procès.
Le développement effréné des salles de marché, peuplées de très jeunes gens aux rémunérations énormes stimulés par les « bonus », ne s’est pas accompagné d’un développement parallèle des contrôles et de la gestion, dit le dossier judiciaire examiné à l’audience.
Les contrôleurs et la hiérarchie semblent, lors des multiples alertes déjouées par Jérôme Kerviel, avoir recherché seulement des erreurs techniques sans jamais envisager une fraude.
Dans son réquisitoire en appel, l’avocat général Dominique Gaillardot a pourtant souligné que la négligence ou l’incompétence ne faisaient pas de la banque une complice du délit et estimé que le prévenu, qui avait voué son existence au système financier, était mal placé pour s’en dire la victime.
« Les traders ne sont pas extérieurs au système financier, ils en sont le centre. Jérôme Kerviel est un élément plein et entier de ce système », avait-il dit, soulignant qu’il ne revenait pas à la justice de punir le système financier.
Me David Koubbi, avocat de Jérôme Kerviel, a plaidé la relaxe et multiplié les procédures parallèles. Il a obtenu avant l’audience en appel l’ouverture d’une enquête préliminaire de police suite à des plaintes pour « escroquerie au jugement » et « faux et usage de faux ».
Elles visent notamment une « affaire dans l’affaire », le remboursement fiscal de 1,7 milliard d’euros obtenu par la banque au titre de « perte exceptionnelle », ce qui a mis de facto à la charge des contribuables une partie de l’affaire.
Plusieurs auditions de police ont été menées durant l’été, dont celles de Daniel Bouton, ex-patron de la banque, Gérard Rameix, président de l’Autorité des marchés financiers, Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France et les services du fisc chargés des contrôles des grandes entreprises.
Reuters