
Ils savaient qu’un anthropologue italien se trouvait dans la région de Dakoro au moment du rapt. Cet Italien a eu de la chance : il n’est pas rentré dormir dans la case qui lui était destinée à Dakoro, mais il a dormi dans un campement nomade. Un dispositif a été mis en place pour tenter d’intercepter les ravisseurs avant qu’ils ne quittent le territoire nigérien. Récit, en exclusivité, de notre correspondant à Niamey.
On est toujours sans nouvelles de onze ravisseurs qui ont enlevé six humanitaires à Dakoro. Les forces armées nigériennes appuyées par des moyens aériens continuent de râtisser les zones frontalières entre le Nord Tahoua et le Mali. L’objectif étant de d’empêcher par tous les moyens les ravisseurs et leurs otages, s’ils n’ont pas encore franchi la frontière, d’atteindre les montagnes du nord du Mali, notamment à Guéret, la base d’Aqmi, al-Qaïda au Maghreb islamique, ou Ouchebrich, la base fortifiée d’Ansar Dine.
Des sources proches de l’enquête, à Dakoro, on apprend qu’effectivement, les ravisseurs étaient à la recherche d’expatriés occidentaux. Leur cible, ils l’ont trouvée en la personne du docteur Francisco, un anthropologue italien qui a longtemps séjourné dans la région de Dakoro, pour avoir travaillé avec Médecins sans frontières.
Le docteur Fransisco, qui a beaucoup sympathisé avec les Peuls Bororos, a même financé la construction d’une école et sa cantine dans le village bororo de Bangana.
La nuit de l’enlèvement, selon le gouverneur de la région de Maradji, l’anthropologue italien devait passer la nuit dans sa case de passage mitoyenne à celle de l’ONG nigérienne Bien-être de la femme et de l’enfant nigérien (Befen), spécialisée dans la lutte contre la malnutrition infantile. Et comme le hasard fait bien les choses, le « anasara », comme on l’appelle là-bas, n’est pas rentré. Il a passé sa nuit à la belle étoile dans un campement peul bororo.
Actuellement, l’anthropologue italien est en sécurité à Maradi d’où il regagnera Niamey ce mardi 16 octobre.
Inquiétude du milieu humanitaire
A peine la nouvelle de l’enlèvement des six humanitaires de Dakoro était-elle connue que plusieurs ONG internationales ou locales intervenant au Niger décidaient de replier leur personnel sur Niamey. « On se donne le temps de voir », nous précise un responsable d’une ONG, « on ne veut pas faire courir de risque à nos agents ».
Pour cet acteur humanitaire qui intervient dans la zone et qui souhaite garder l’anonymat, cet enlèvement risque de remettre beaucoup de projets en cause :
« Ce sont des gens qui sont là, qui aidaient les populations nigériennes, pour assister les enfants, les mamans nigériennes tous les jours, puisqu’ici, ils n’étaient pas ciblés. Cela aura probablement pour conséquence une diminution des activités des ONG parce que le risque sera trop important y compris pour le personnel de ces pays-là ».
Depuis janvier 2011 et la mort des deux jeunes Français enlevés en plein Niamey par Aqmi, les personnels expatriés ont quitté le Niger. A quelques rares exceptions, ce sont donc des personnels locaux ou africains qui montent les projets et les réalisent sur le terrain avec le soutien financier et logistique des organisations internationales.
« Il y a aussi, poursuit toujours l’acteur humanitaire, une société civile nigérienne qui se développe aujourd’hui pour prendre en charge par elle-même ces problèmes là et que ce soit eux aujourd’hui qui trinquent finalement. C’est très difficile à admettre ».
Cette année, le Niger connait le plus fort déploiement humanitaire au monde avec la prise en charge de 400 000 enfants malnutris, des refugiés du Mali ainsi que les nombreuses victimes des inondations.
Par ailleurs, le docteur Lamine Kollé, président de Befen, tient à préciser que cette ONG est locale, et il demande aux autorités des garanties de sécurité pour pouvoir continuer son action.
Par RFI