
Ces actes barbares d’un autre âge ont été perpétrés dans la nuit du vendredi 3 au samedi 4 août, 2012 par des forces de défense et de sécurité aux ordres des autorités de la République de Guinée. Le bilan fait état de cinq personnes tuées par balles, trois gravement blessés également par balles, plusieurs portées disparues, probablement tuées, et une vingtaine de victimes arrêtées, torturées et gardées en lieu non identifiés.
Face à l’énormité de la perte du 4 août 2012, nous commençons tout d’abord par la présentation de nos condoléances les plus attristées aux familles des disparus et à tout le peuple de Guinée. Nous prions pour le repos de l’âme des disparus et souhaitons prompt rétablissement à tous ceux qui ont été blessés. Nous condamnons ensuite ces massacres et exigeons la libération immédiate et inconditionnelle des victimes interpelées et la mise en place d’une commission d’enquête indépendante pour faire la lumière, toute la lumière sur cette affaire. Les caractères nocturne, prémédité et planifié ; l’inspiration politique qui vise à contraindre les citoyens à se taire malgré les violations de leurs droits ; le temps de paix et les caractéristiques des victimes (population civile non armée) font de ces massacres non seulement une violation grave et flagrante de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et de la Constitution Guinéenne de mai 2010, mais aussi et surtout des crimes contre l’humanité. Il est à remarquer que la manifestation du 31 juillet 2012 de la population de Zoghota contre la Société Minière VALE, qui semble avoir provoqué la colère des autorités, n’est pas une première en République de Guinée.
En effet, en Septembre 2011, les populations de Kiniero, dans la Préfecture de Kouroussa, ont manifesté contre la SOMAFO. En novembre 2011, des populations de Lola ont manifesté contre la Société de Mines de fer de Guinée (SMFG). Toutes ces manifestations ont un dénominateur commun : la discrimination des fils du terroir dans le processus d’embauche. La méthode utilisée pour résoudre à l’amiable la crise de Kiniero, dans Kouroussa, contraste étrangement avec celles criminelles et barbares utilisées contre les populations de Lola et de Zoghota. Ce qui prouve à suffisance que le gouvernement actuel et ses structures déconcentrées ne traitent pas les citoyens sur le même pied d’égalité. Le déclenchement des massacres juste après la visite du site de la Société VALE par cinq ministres du Gouvernement Said Fofana, leur refus de se rendre à Zoghota de nouveau pour constater les crimes odieux avant de retourner à Conakry, leur démenti sur les radios locales des faits avérés de mort d’homme, leur seul souci pour les infrastructures et les équipements « endommagés » de la Société Minière VALE et la participation des forces de défense et de sécurité dans les massacres constituent des preuves suffisantes de la responsabilité directe des gouvernants au plus haut niveau. Compte tenu de l’extrême gravité des crimes commis, nous exigeons la destitution et l’arrestation des cinq ministres ayant effectué la mission à Zoghota dans les jours qui ont immédiatement précédé la nuit des massacres ainsi que celles du Gouverneur et du Préfet de N’Zérékoré, du Sous-préfet de Kobela et de la hiérarchie des corps habillés (militaires, gendarmes et policiers) qui ont pris part aux massacres.
Nous invitons toutes les personnes éprises de paix et de justice à rester mobilisés jusqu’à l’établissement de la justice pour les victimes et leurs familles. Après la phase de condamnation en cours, gardons présent à l’esprit qu’il faut que toutes les Guinéennes et tous les Guinéens qui rêvent d’une Guinée unie, paisible et prospère rompent le silence et restent soudés jusqu’à la condamnation des auteurs de ces crimes odieux et leurs complices par la justice nationale ou internationale. Un collège d’avocats est constitué, un comité de crise est déjà en activité et une mission imminente sur le lieu des massacres est en préparation. Une conférence de presse est prévue pour demain jeudi 9 août, 2012 à la Maison de la Presse. Ne cédons pas à la division, car elle a toujours été utilisée par les dictateurs et, surtout, ça leur profite ».
Pour le Comité de crise, Faya L. Millimouno
Note de la Rédaction: Photo : Rapport de la mission conjointe des ONG Avocats Sans frontières-Guinée, Paix sur Terre et Les Mêmes Droits pour Tous, le 7 Août 2012.