La Coalition pour la CPI a salué cette condamnation comme étant une avancée majeure dans la lutte contre l’impunité dans les provinces du Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).
« Cette condamnation envoie un avertissement clair à tous ceux qui utilisent les enfants soldats dans le monde : leurs actions les mèneront en prison », a déclaré Armel Luhiriri, chargé de liaison des situations francophones à la Coalition pour la CPI—un réseau mondial de plus de 2 500 organisations de la société civile présentes dans 150 pays œuvrant pour une CPI juste, efficace et indépendante et un meilleur accès à la justice pour les victimes de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. « Aussi important qu’est ce jour pour la CPI et les victimes qu’elle cherche à aider, nous ne devons pas oublier que le co-accusé de Lubanga, Bosco Ntaganda est en fuite bien qu’un mandat d’arrêt ait été lancé contre lui », a ajouté Luhiriri. « Ntaganda continuerait de commettre des crimes dans l’est de la RDC. La Coalition réitère son appel aux États et au Conseil du sécurité de l’ONU pour faire tout leur possible pour garantir que les fugitifs de la CPI comme Ntaganda répondent de leurs actes et soient amenés en justice devant la CPI. ».
Le président juge Adrian Fulford a déclaré que la Chambre a dans sa majorité décider de condamner Lubanga à un total de 14 ans d’emprisonnement pour l’enrôlement, la conscription et l’utilisation d’enfants soldats. Les circonstances atténuantes, y compris la coopération de l’accusé, et le manque de circonstances aggravantes, dont l’absence de preuves violence sexuelle ou de genre, signifient que la peine maximale de 30 aurait été inappropriée selon les juges. Il a d’ailleurs expliqué que les six années que Lubanga a déjà passées en détention à La Haye depuis mars 2006 ont été prises en compte dans la décision de la Chambre et donc déduites de la peine totale. Lubanga servira donc huit ans d’emprisonnement. La Chambre a refusé de déduire la période entre 2003 et 2006 au cours de laquelle Lubanga est resté en détention en RDC, estimant qu’il n’existe pas suffisamment de preuves indiquant qu’il était détenu pour les mêmes crimes. La Chambre a également estimé qu’il serait inapproprié d’imposer une amende compte tenu de la situation financière de Lubanga. La juge Odio Benito a exprimé une opinion dissidente en désaccord avec la décision sur la peine, indiquant que les dommages causés aux victimes et à leurs familles n’ont pas été pris en compte, qui sont dûs en particulier aux sévères répressions et violences sexuelles perpétrées. Elle estime donc qu’une peine de 15 ans aurait dû être imposée.
Bien qu’un certain nombre de pays – dont l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, le Royaume-Uni et la Serbie – aient déclaré leur volonté d’accepter les personnes condamnées par la CPI, pas de décision n’a encore été prise quant à savoir où Lubanga purgera sa peine.
Plutôt dans le mois, les juges de la CPI ont entendu la présentation des facteurs aggravants et atténuants permettant de déterminer la peine à imposer, avec le Procureur demandant 30 ans de prison, ou 20 ans si Lubanga présente des excuses sincères et s’engage à œuvrer pour la prévention des crimes et la promotion de la paix dans les communautés affectées par ses crimes.
En mars 2012, Lubanga a été reconnu coupable de crimes de guerre d’enrôlement et de conscription d’enfants de moins de 15 ans et de les avoir fait participer activement aux hostilités en RDC entre septembre 2002 et août 2003.
Bien que le jugement d’aujourd’hui ferme le chapitre du tout premier procès de la Cour, Lubanga a toutefois le droit de faire appel du verdict de culpabilité et de la peine portés contre lui.
Les juges de la CPI devraient ordonner bientôt que les victimes reçoivent des réparations pour les préjudices subis à l’issue des actes criminels de Lubanga. Ce sera la première fois que la Cour appliquera son mandat révolutionnaire de fournir des réparations, une première pour les juridictions pénales internationales.
« La Coalition de la RDC pour la CPI salue la décision des juges de condamner Lubanga à 14 ans de prison. Nous estimons qu’une peine proche de ce qu’a requis le Procureur est approprié pour la nature des crimes commis », a déclaré André Kito, coordinateur de la Coalition de la RDC pour la CPI.
« Toutefois, les organisations de la société civile et les victimes regrettent que la portée des charges n’ait pas été plus large puisque d’autres crimes tells que les exécutions sommaires et le pillage ont été exclus », a-t-il ajouté. « Nous sommes frustrés de voir que les violences sexuelles n’ont pas été prises en compte dans la fixation de la peine comme circonstance aggravante en raison de l’absence de preuves présentées à la Chambre. »
« Il est essentiel que la CPI entreprenne rapidement une mission de sensibilisation auprès des victimes et communautés affectées pour expliquer la décision sur cette peine et quelles sont les étapes suivantes, y compris la phase de réparation. Il est important que justice soit faite », a déclaré Carla Ferstman, directrice de REDRESS.
« Les mesures de protection doivent rester en place pour ceux qui ont eu le courage de venir se présenter et participer au procès. Les victimes ont eu une contribution significative au cours du procès. Leurs témoignages, dans lesquels ils racontaient comment ils ont été enrôlés, la formation exténuante qu’ils ont reçue et les abus terribles qui leur ont été infligés, mais qu’ils ont également été forcés d’infliger illustre une image vivante des horreurs de l’utilisation d’enfants soldats au combat – tout cela a permis d’attirer l’attention du monde sur le sort des enfants soldats », a ajouté Mme Ferstman.
« La Chambre dans l’affaire Lubanga n’est toujours pas indiquer l’approche, les principes et les critères qu’elle appliquera en ce qui concerne la réparation des victimes de Lubanga. REDRESS espère que l’approche retenue pour déterminer la réparation pour les victimes de Lubanga – quel que soit sa forme – soit participative: impliquer les victimes dans le processus menant à des réparations est la première étape pour rétablir leur dignité et leur moyens, qui tous deux sont essentiels pour les aider à surmonter leur victimisation », a poursuivi Mme Ferstman.
Thomas Lubanga a été arrêté depuis le 17 mars 2006. Deux suspensions successives de la procédure ont donné lieu à des retards dans le procès, qui a duré deux fois plus longtemps que les premiers cas au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et au Tribunal pénal international pour le Rwanda. Toutefois, la procédure dans les deuxième et troisième procès de la CPI progressent à un rythme plus rapide.
Le procès Lubanga est une étape importante pour le Statut de Rome qui est entré en vigueur il y a dix ans. L’affaire Lubanga est l’une des rares affaires pénales internationales dans l’histoire à poursuivre une personne pour des actes d’enrôlement et de conscription d’enfants soldats. En tant que tel, le procès a fait beaucoup pour mettre en évidence la gravité du crime de l’utilisation d’enfants soldats et a contribué à porter la question à l’attention de la communautéinternationale. Au cours de la procédure, dix anciens enfants soldats ont témoigné, tout comme un certain nombre de témoins experts l’ont fait.
Quelque 5,4 millions de personnes sont mortes en RDC depuis août 1998, faisant de ce conflit le conflit le plus meurtrier au monde depuis la Seconde Guerre mondiale. Depuis de nombreuses années, les victimes et la société civile en RDC ont exigé que les auteurs de crimes répondent de leurs actes. L’ouverture du procès Lubanga a été considérée comme un grand pas en avant pour la justice, mais il y a encore un long chemin à parcourir avant que la paix soit établie dans le pays. Le procès Lubanga et de la condamnation d’aujourd’hui, avec la participation de la CPI dans le pays en général, a envoyé un signal fort aux futurs criminels et aux groupes armés en RDC selon lequel l’impunité ne sera plus tolérée. Toutefois, une mutinerie au début de cette année menée par le suspect de la CPI Bosco Ntaganda, entre autres, a provoqué une flambée de violence dans l’est de la RDC ces derniers mois, causant ainsi un regain de souffrance dans la région.
Contexte : En tant que leader de l’Union des patriotes congolais et commandant en chef de son aile militaire, les Forces Patriotiques pour la Libération du Congo, Thomas Lubanga a été accusé d’avoir commis des crimes de guerre d’enrôlement et de conscription d’enfants de moins de 15 ans et de les avoir fait participer activement aux hostilités en Ituri, un district dans l’est de la RDC entre septembre 2002 et août 2003.
Lubanga a été la première personne accusée dans le cadre de la situation en RDC ainsi que premier détenu de la Cour. Il a été remis et transféré à la Cour le 17 mars 2006, suite à l’émission d’un mandat d’arrêt de la CPI sous scellés le 10 février 2006. Son procès a commencé le 26 janvier 2009. La Chambre de première instance I a délibéré sur la loi applicable et sur les preuves présentées pendant le procès depuis la présentation des déclarations de clôture les 25 et 26 août 2011. Le 14 mars 2012, Lubanga a été reconnu coupable d’avoir commis des crimes de guerre d’enrôlement et de conscription d’enfants de moins de 15 ans et de les avoir fait participer activement aux hostilités.
Coalition pour la Cour Pénale