
Un magazine né de ses retrouvailles avec Mactar Silla. Un magazine qu’il voulait à son image : réfléchi, modéré mais terriblement lucide et exigeant. Dès le troisième numéro, son Quorum était admis comme référence par le Courrier International. Chérif savait très bien que le marché africain de la com ne prêtait pas une grande espérance de vie à une telle publication, mais il espérait toujours que la qualité de son travail finisse par convaincre quelques décideurs plus courageux que d’autres.
Chérif se sera toujours battu, jusqu’à dernier souffle, pour ce qu’il croyait juste. Avant Le Quorum, il avait fait partie, avec l’Algérien Ihsane El Kadi et le Mauritanien Adama Wade, du trio de journalistes fondateurs de l’hebdomadaire panafricain Les Afriques. Ils étaient tous les trois persuadés que leur continent avait besoin d’un journal financier crédible et indépendant des pouvoirs politiques.
Avant Les Afriques, il avait lancé un autre hebdomadaire, sénégalais, 52 L’Hebdo. Et bien avant tout cela, il avait fondé le premier groupe de presse privé du Sénégal, Sud Communication, puis dirigé la première radio privée sénégalaise, Sud Radio.
Jeune journaliste, Chérif était du genre à prendre un congé sans solde pour partir seul, avec sa curiosité pour tout bagage, découvrir la révolution iranienne et décrocher l’une des rares interviews de Bani Sard accordée à un journaliste étranger. Des interviews d’hommes d’Etat, il en a ainsi, discrètement, signé des dizaines, d’ATT à Sarkozy, en passant par Diouf, Condé ou Ravalomanana.
Une seule fois dans sa vie, en 2000, il s’était éloigné de sa passion du journalisme. C’était pour diriger la communication du président Wade, à l’époque où les Sénégalais, comme lui, croyaient encore dans le Sopi. Il sera limogé en 2002 par un chef d’État furieux de l’annonce erronée d’une famine par la télévision nationale. Malgré cette brutalité, malgré sa profonde déception à l’égard d’un pouvoir qui trahissait ses idéaux, jamais il n’utilisera tout ce que sa fonction de collaborateur proche du Président lui avait dévoilé.
Comme tout bon journaliste, Chérif n’était ni partisan, ni militant. Mais dans tous ses écrits, jamais il ne perdait une occasion de rappeler à ses frères africains les plus privilégiés leurs propres responsabilités dans les difficultés du continent et dans les souffrances des populations. C’est peut-être pour cela que, lorsqu’il promenait sa mince silhouette dans les couloirs du pouvoir, certains avaient « parfois tendance à regarder leurs chaussures» avait-il noté, en bon observateur qu’il était.
Le Quorum