
Quand Lansana Conté était aux affaires ici, son principal opposant Alpha Condé et son président, membre de l’international socialiste jouissaient beaucoup de sympathie au sein de la gauche française. Le nom de Bernard Kouchner est un des symboles bien connu de cette amitié. Celui-là même qui était le premier secrétaire du parti socialiste (PS) quand Alpha Condé était en prison de 1998 à 2001 à Conakry. L’histoire retient qu’ils auront fait feu de tous bois pour obtenir la libération de leur ami. On se souvient encore de ces pressions à l’international dont les nombreux communiqués signés de Labertit. Si tout ce beau monde a eu des difficultés à arriver à ses fins, c’est parce que la France était gouverné à l’époque par la cohabitation. La droite à l’Elysée par Jacques Chirac et la majorité parlementaire à gauche. C’est dans ce contexte qu’a été libéré celui qui devait être le futur président guinéen.
Il faut reconnaitre que les années de la droite aux affaires en France ont été une traversée du désert pour l’opposant guinéen, malgré les amitiés qu’il pouvait revendiquer dans les rangs des Gaullistes dont Michèle Alliot Marie, ancienne ministre de la défense et des Affaires étrangère. Pour rappel, à la faveur de sa visite à Conakry en 1999, alors que le président du RPG était enfermé dans les geôles de Coronthie, pour les manifestants qui réclamaient la libération de leur leader et plus de démocratie dans leur pays, Chirac avait déclaré qu’il fallait laisser les choses aller à leur rythme. L’on a dû attendre plus d’un an après pour que l’opposant guinéen recouvre sa liberté.
Comme s’il s’était convaincu que tant que c’est la droite qui serait aux affaires en France, il n’avait pas à espérer grand-chose, Alpha Condé a fait profil bas. Jusqu’à la mort de Conté qui a été suivi par un coup d’Etat et l’organisation d’élection présidentielle démocratique. Miracle, c’est bien sous la présidence Sarkozy que Alpha Condé sera élu chef de l’Eta de Guinée. A sa décharge, si Paris a laissé le scrutin se dérouler sans immixtion flagrante, il n’a, à aucun moment joué la carte Alpha Condé, lui préférant Sidya Touré au premier tour et Cellou Dalein Diallo au second tour. Qui n’a pas vu ces deux leaders politiques guinéens se venter de leur proximité d’avec la droite française ? Avant le premier tour, Sidya a été reçu à l’Elysée, entre les deux tours, les proches de Sarkozy, notamment Claude Guéant et André Parant étaient en contacts permanents avec le clan Cellou. Un procureur guinéen était même soupçonné de faire la liaison entre les deux rives. Aussi, des chefs d’Etat africains notamment des pays voisins avaient été poussés par l’Elysée à favoriser la victoire des candidats de l’UFDG et de l’UFR, tous deux de l’international libéral.
Après sa victoire et son investiture, Alpha devrait s’attendre à ce que Paris l’épaule pour faciliter ses relations avec les institutions de Brettons Woods et l’Union Européenne. Mais il a dû être déçu. Même quand il s’est rendu en France pour sa première visite en dehors de l‘Afrique en tant que chef d’Etat, il n’a pas glané plus de 5 millions d’Euros, alors que l’Elysée s’était montré plutôt généreux à l’égard de l’Ivoirien Ouattra et le Séngalais Macky Sall qui ont décroché respectivement plus de 100 millions et 60 millions d’euros. Avec l’élection de Hollande, Alpha Condé peut espérer autant, sinon plus. Ce n’est pas surtout sur le plan financier que l’apport de la France à la Guinée peut être beaucoup important. Mais plutôt le rôle qu’elle pourrait jouer en termes de stabilité des institutions républicaines de Guinée. Au regard du rôle qu’elle a joué dans la déstabilisation du Mali, avec la France de Sarkozy, tout pouvait arriver. Y compris en Guinée !le professeur-président peut donc s’estimer heureux.
Nouvelle Elite