
Des femmes qui vendent de la braise ou des produits au marché, des jeunes hommes qui transportent des gens à vélo ou à moto, d’autres qui tiennent une boutique… Aujourd’hui les fonctionnaires de Ngozi au nord du Burundi embrassent tous ces métiers autrefois méprisés et considérés comme réservés aux gens non instruits pour compléter leurs salaires insuffisants. En effet, ces deux dernières années, les conditions de vie de ces agents de l’Etat sont de plus en plus précaires car tous les prix ont fortement augmenté mais les salaires n’ont pas suivi la même évolution.
Fini donc les complexes, l’essentiel est de joindre les deux bouts. Les travaux qui étaient jusqu’à présent l’apanage des « sans têtes », comme le disaient nombre d’entre eux, sont désormais recherchés. « Plus question de sous estimer le boulot. Le mauvais boulot est celui qui ne rapporte pas. Il ne faut jamais mépriser le travail d’autrui », martèle une enseignante, vendeuses de frites de patates douces en ville de Ngozi. Je sais que c’est un commerce autrefois laissé aux femmes pauvres de la ville. Mais pourvu que ça me rapporte et que je survive ! ».
Retour aux champs
Quant aux fonctionnaires des collines, ils n’ont plus honte de prendre eux-mêmes la houe pour labourer les champs qu’ils louent aux paysans. « L’ancienne mentalité selon laquelle on étudie pour être débarrassé de la houe n’est plus. Les choses ont changé », dit l’un d’eux qui touche environ 70$ par mois. Il paye 40 pour le loyer. Il ne lui reste que 30 $ pour supporter sa famille de deux enfants. Après le travail, il doit cultiver comme les autres agriculteurs.
« Je regrette le temps que j’ai perdu en venant chercher mon salaire alors que je n’ai aucun problème à la maison », déclare Jérome Nduwimana, un infirmier de la province de Bubanza rencontré à la banque BCB (Banque de Crédit de Bujumbura) où il était venu chercher son salaire sans l’obtenir. « Avec la culture du riz, je viens de construire ma propre maison. Je ne paye plus de loyer et je mange le riz que je récolte moi-même. Pas question d’aller au marché pour cette denrée », explique-t-il.
Les boutiquiers traditionnels pénalisés
« Que ne verra-t-on pas ces derniers temps ! s’étonne de son côté Audace, un boutiquier en commune de Mwumba. Ceux que nous croyions fonctionnaires d’Etat nous rejoignent de plus en plus dans nos petites activités. » En fait, l’arrivée de ces gens instruits dans le commerce fait perdre des clients aux commerçants car les intellectuels se fient alors plus à leurs pairs. « Mieux vaut acheter chez le fonctionnaire comme moi, car on est logé à même enseigne. Il me comprend dans ma situation », déclare ainsi un acheteur qui sort d’une boutique d’un enseignant comme lui en ville de Ngozi. Pourtant dans les circonscriptions loin des villes, ces employés du gouvernement qui touchent de l’argent régulièrement sont les principaux consommateurs.
Même les produits agricoles s’écoulent moins bien. Au petit centre urbain de Busiga, les boutiquiers affirment que désormais ils vendent difficilement certains produits alimentaires comme le haricot, la banane, patate douce… car les intellectuels consomment les produits de leur récolte. Les commerçants préfèrent ainsi déménager pour aller travailler ailleurs car ils ne font plus d’affaires.
Aujourd’hui très occupés par leurs activités, nombre de ces agents grognent à cause des travaux communautaires qui ont lieu tous les samedis. Ayant travaillé toute la semaine, le samedi est le jour où ils s’occupent de leurs propres affaires mais la matinée est perdue car ils n’ont pas le droit de circuler. Et le dimanche, la plupart des gens ne travaillent pas. Ils auraient préféré que ces travaux soient organisés un seul samedi par mois pour avoir plus de temps témoignent plusieurs agents de l’Etat en discussion dans un bus.
Syfia-grands-lacs.info