
Voici deux semaines que l’ex-président ivoirien a pris ses quartiers au pénitencier de Scheveningen près de la Haye. C’est là que sont placés les détenus de la Cour pénale internationale. Lors de sa première audience de comparution, Laurent Gbagbo a essayé d’en dire le maximum sur les conditions de son transfèrement puis de sa précédente détention à Korhogo. Mais voici que l’absence d’une personne dans tout le discours de « LG » m’a fait tilt. Et pourtant, elle a fait partie intégrante de la vie de l’homme, aussi bien en famille qu’en politique. Il s’agit bien de Simone Ehivet, son épouse, sa compagne de toutes les luttes nobles ou non, arrêtée en même temps que lui dans le fameux Bunker de la résidence présidentielle de Cocody.
« Les conditions de ma détention à la Cour de La Haye sont correctes, (…) celles de mon arrestation, le 11 avril 2011, le sont moins. J’ai été arrêté dans les décombres de la résidence officielle du chef de l’État qui a été bombardée du 31 mars au 11 avril. Le jour de l’assaut final, une cinquantaine de chars français ont encerclé la résidence. C’est l’armée française qui a fait le travail. Les forces régulières étaient alors de mon côté. Le ministre de l’Intérieur, Désiré Tagro, est décédé devant mes yeux. Mon médecin personnel, le Dr Christophe Blé, a également failli mourir. Mon fils aîné, Michel Gbagbo, actuellement en détention – pourquoi l’a-t-on arrêté si ce n’est parce que je suis son père – a été battu sous mes yeux. (…) On m’a alors emmené à l’hôtel du Golf, siège de campagne d’Alassane Ouattara. Le 13 avril, l’Onuci nous a transférés à Korhogo, à plus de 500 km de là. On m’a alors enfermé dans une villa. On ma proposé trois repas par jour mais, comme je ne mange pas le matin, je n’en ai accepté que deux. Je ne voyais pas le soleil. Ce n’est que lors des visites de mes avocats que j’ai pu voir la lumière du jour. Et encore, mon avocat, Me Emmanuel Altit, est venu à Korhogo au terme d’un périple de deux jours. Mais on l’a empêché de me voir. J’ai connu l’enfermement sans pouvoir marcher, voir le ciel, sortir dehors. J’ai eu de nouvelles pathologies en plus de celles que j’ai déjà. Je ne suis plus un jeune de 20 ou 30 ans, vous savez. J’ai mal à l’épaule et aux poignets. Heureusement, depuis je suis arrivé à La Haye, j’ai passé des radios et on me donne des médicaments (…)».
Dix minutes de plaidoyer. Première et ultime chance avant juin 2012, de dire « sa vérité » au monde entier. Nulle part Simone. Nulle part Ehivet. Même pas un signe, un mot, histoire de rappeler qu’il y avait aussi une femme, une épouse dont il appelle le monde à se soucier du sort. Michel, son fils aîné, Désiré Tagro, son ministre de l’Intérieur et même Christophe Blé, son médecin, bénéficient du souvenir de Laurent Gbagbo.
Savoir choisir sa femme…
C’est à croire que Laurent Gbagbo garde une dent contre sa compagne de tous les moments. On se rappelle encore des quotidiens qui avaient relayé un article du magazine Jeune Afrique, dans lequel l’ex-président donnait le conseil suivant aux membres des FRCI chargés de le surveiller :
Vous savez, ce qui est important dans la vie, c’est de bien choisir sa femme .
La dame de fer serait-elle donc tombée dans l’estime de son époux au point de ne pas bénéficier d’un quelconque soutien de lui, même en paroles ? Tout porte à le croire, puisque des sources avaient révélé qu’à Korhogo, Laurent Gbagbo réclamait très souvent sa seconde épouse, Nadiana Bamba, (alias Nady Bamba). Aucune information n’a d’ailleurs fait état de la réaction de cette dernière.
En revanche, aujourd’hui, les personnes habilitées à le rencontrer sont unanimes : le nouveau détenu de Scheveningen ne se préoccupe plus que de la première femme de sa vie : sa mère.
Ghislaine ATTA
Source: Slate Afrique