samedi , 1 avril 2023

Mutineries : Fini, l’exception bobolaise !

La 2e région militaire n’a finalement pas échappé à cette vague de mutinerie qui a déjà affecté de nombreuses casernes au Burkina. Le silence dans lequel le camp Ouezzin-Coulibaly de Bobo-Dioulasso s’était confortablement installé au grand bonheur de ses habitants et même des autorités politiques a finalement été rompu.


 

 

C’était dans la nuit du 31 mai au 1er juin 2011 où les militaires ont tiré jusqu’au petit matin après s’être livrés à des pillages et à des saccages de commerces dans le centre-ville. Jusqu’à hier jeudi, des coups de feu étaient entendus dans la journée et les populations n’ont pas tardé à manifester leur ras-le-bol, en s’attaquant aux édifices publics.

L’exception que faisait la 2e région militaire depuis le déclenchement des mutineries au Burkina relève maintenant du passé. La nuit de mardi à mercredi fut tout simplement cauchemardesque pour les Bobolais soumis qu’ils étaient pendant plusieurs heures à des tirs d’armes automatiques. C’est aux environs de 21h que les premiers coups de feu ont été entendus et principalement dans les secteurs 1, 6, 7 et 8, situés non loin du Camp Ouezzin.

“Nous étions là à bavarder comme d’habitude quand nous avons été surpris par des tirs d’armes en provenance du camp militaire. Et c’est lorsque les rafales ont commencé à se multiplier que nous avons compris que la ville de Bobo n’échapperait pas à ce que nous craignions depuis longtemps”, nous dit cet habitant du secteur 8.

“J’ai eu la malchance de les rencontrer”

Les mutineries aux conséquences souvent fâcheuses dans certaines localités avaient fini par créer la psychose chez les Bobolais. Et dès les premiers coups de feu, le centre-ville a commencé à se vider de son monde. Le mouvement d’humeur qui venait d’être enclenché par la soldatesque bobolaise va finalement prendre des tournures graves. Sortis de leurs casernes, les mutins, à pied ou à moto, se feront entendre de plus belle par des rafales tirées en l’air mais aussi par des agressions de civils.

“J’ai eu la malchance de les rencontrer sur mon chemin peu après 22h alors que je me dépêchais de rentrer à la maison ; ils se sont rués sur moi au niveau du pont du marigot Houet sur l’avenue Louveau, et j’ai immédiatement rebroussé chemin tout en essuyant des coups de rangers sur mon véhicule légèrement cabossé”, nous dit un usager de la route.

C’est vraisemblablement le début d’une nuit de folie pour des mutins qui ont semé la tristesse et la désolation sur leur chemin. Agressions, saccages et pillages ont rythmé leur mouvement qui aura surtout fait de nombreuses victimes. Des commerçants, en effet, n’avaient plus que leurs yeux pour pleurer au petit matin après le passage des pillards en treillis. C’est le cas de ces jeunes vendeurs de portables et accessoires installés devant l’ONATEL.

Arrivés ce mercredi matin plus tôt que d’habitude, ils n’avaient plus qu’à constater les dégâts. Rien ou presque n’a été épargné par les visiteurs indélicats qui ont tout emporté. Non loin de là, précisément à Marina Market, la situation est encore plus désolante : une porte défoncée, un coffre-fort fracturé, des marchandises jonchant les allées et parkings rendus impraticables avec le trop-plein de produits abandonnés ou oubliés par les vandales dans leur précipitation.

Ici, on a encore de la peine à croire ce qui s’est réellement passé. Pour tous les employés de cette entreprise, c’est déjà l’angoisse et l’incertitude : des congés techniques de plusieurs mois se profilent. A la Société burkinabè d’équipement (SBE), la situation était tout aussi déplorable. Une soixantaine d’engins à deux roues ont été emportés par les assaillants, des militaires qui avaient fini par transformer le magasin de la SBE en une caverne d’Ali Baba.

Selon un témoin, “ils sont arrivés vers 3h du matin et ils ont commencé à tirer sur la porte ; cela n’a pas trop duré et dès qu’ils sont entrés, ils ont commencé à faire sortir les engins, ensuite des congélateurs, des téléviseurs, des appareils de musique, des cuisinières, des matelas, des meubles et bien d’autres marchandises de valeur. C’est dans des véhicules ou des charrettes qu’ils ont transporté leur butin”.

Un gardien a reçu une balle à l’épaule

Un gardien non loin de là qui a tenté de s’interposer a reçu une balle à l’épaule mais sa vie est actuellement hors de danger. Des commerçants alertés tard dans la nuit ont dû écourter leur sommeil pour se rendre à leur lieu de travail ; malheureusement certains d’entre eux vont assister, impuissants, au pillage de leur magasin.

C’est le cas de Madi Bélemsigri, vendeur d’appareils électro-ménagers sur l’avenue de la République. Et c’est un homme complètement désemparé devant son magasin vide que nous avons rencontré ce mardi matin. “Ils ont tout pris et vidé le coffre-fort qui contenait environ 700 000 F”. Le moins que l’on puisse dire est que les militaires n’y sont pas allés avec le dos de la cuiller dans leur randonnée nocturne.

Comme Madi Bélemsigri, plusieurs commerçants ont fait l’objet de pillages et de saccages au cours de cette nuit. Des victimes visiblement dépassées par l’ampleur du désastre. Mais savaient-elles encore qu’elles n’étaient pas au bout de leur peine ? Les militaires, qui n’avaient pas encore dit leur dernier mot, vont en effet récidiver. La nuit de mercredi à jeudi sera alors identique à la précédente : saccages et pillages ont à nouveau été constatés hier jeudi dans la matinée. Il n’en fallait pas plus pour provoquer cette fois la colère et l’indignation de la population.

Des groupes de jeunes essentiellement constitués de commerçants ont investi les rues de la capitale économique pour manifester leur ras-le-bol en scandant des slogans hostiles à l’armée. Ils s’attaquaient à des édifices publics comme la mairie de Bobo où une tentative d’incendie a été évitée de justesse avec toutefois des dégâts matériels très importants. La direction régionale des Douanes de l’Ouest sera, quant à elle, vandalisée par une foule en colère.

Pris de panique, de nombreux commerçants procédaient à l’évacuation de leurs marchandises pour les sécuriser à domicile, et la tension déjà palpable baissera en fin de matinée. On pensait le calme revenu lorsque des coups de feu commençèrent à nouveau à retentir dans la ville. Regroupés devant le camp militaire, les mutins vont progressivement investir les différents secteurs. Une journée d’angoisse et d’incertitude pour les Bobolais qui seront soumis durant toute cette fête de l’Ascension à des tirs d’armes automatiques.

Jusqu’à hier 17h les bérets rouges régnaient en maîtres absolus dans une ville presque déserte. Terrées chez elles, les populations apeurées ne savaient plus à quel saint se vouer. Nul doute que la nuit d’hier a été aussi longue que la précédente pour les habitants de Sya. Des Bobolais qui ont du mal à comprendre ce qui leur arrive. Un couvre-feu a été instauré de 18h à 6h du matin.

SOURCE: L’Obervateur Paalga