
Excédés par la lenteur de la réaction de la communauté internationale, les anciens rebelles des Forces Nouvelles,
appuyés par des soldats de l’armée régulière, ont lancé sous le nom de Forces Républicaines l’assaut contre les fidèles de l’ex président ivoirien : la guerre que l’on craignait tant est de retour en côte d’Ivoire.
La Radio télévision ivoirienne (RTI) diffusant des images non datées de Gbagbo, les traits tirés et la chemise devenue trop ample pour lui, devisant « sereinement » avec le premier cercle de ses proches : la scène ressemble à un adieu. Malgré une courageuse – et non moins désespérée – résistance de son cercle le plus fidèle, l’ancien homme fort d’Abidjan finira bien, dans un temps que l’on espère le plus court possible, par plier.
L’historien qui a imposé la démocratie en Côte d’Ivoire, redoutable bête politique reconnue par tous les observateurs, si proche de son « peuple », semble avoir perdu le sens des réalités et a visiblement fait le choix de semer le chaos dans son pays. Son rival, lui, a d’ores et déjà endossé ses habits de chef d’état en prenant les premières décisions prouvant que la réalité du pouvoir commence à changer de camp. Pour leur part, sans doute pressées d’en finir avec le boulanger d’Abidjan, loin des discours pompeux sur les droits de l’homme, les chancelleries occidentales jubilent en sourdine, tout en s’étonnant de la détermination de ce qui reste de « l’armée de Gbagbo ».
Nous pensons qu’au mieux, l’ancien président ivoirien parviendra à se tirer de la nasse en fuyant le pays (très improbable) ou rejoindre par on ne sait quel moyen sa base arrière de l’Ouest et organiser sa résistance sous forme de guérilla. Au pire, il se fera soit capturer et livrer à la Cour Pénale Internationale (CPI), soit, hypothèse hautement probable, tuer et faire courir le risque de dangereux affrontements interethniques à la Côte d’Ivoire comme cela s’est passé en 1994 dans un pays comme le Rwanda…
La leçon qu’on pourrait tirer de cette sale guerre est pourtant loin des cadavres déchiquetés, d’un discours aussi anachronique que démagogique du camp Gbagbo ou d’une simple victoire électorale du camp d’Alassane Ouattara.
Il s’agit de trouver à l’avenir les mécanismes qui permettront d’éviter ces incessantes humiliations infligées à l’Afrique par des leaders qui veulent construire l’avenir avec le regard et les méthodes du passé.
C’est cette vision étriquée des choses qui a conduit Gbagbo à s’enfermer comme une huître, accepter de se faire manipuler par un entourage intéressé, laver le cerveau par des extrémistes religieux qui ont fini par lui faire croire qu’il était un « prophète », voire carrément le bon Dieu fait homme.
Ouattara, lui même, quoique plus modéré et plus pragmatique dans son propos, ne semble pas être à l’abri d’une telle dérive puisque dans son cercle de proches qui s’agite, se retrouvent de gros caïmans qui n’ont qu’une idée en tête : imposer une certaine hégémonie dans le pays de Felix Houphouet Boigny quitte à prendre le risque de déclencher d’autres guerres si d’aventure celle-là venait à vite s’achever.
Construire une nation forte en soutenant un groupe ethnique ou religieux contre un autre est une gageure. Refuser d’accepter l’autre parce qu’il est différent, sous n’importe quel prétexte fallacieux, au mépris de ses droits les plus élémentaires, est consacrer son propre échec moral.
La haine entretenue en Côte d’Ivoire a, depuis près d’une vingtaine d’années, plus profité aux politiciens sans scrupules ou aux journalistes véreux, bien calés dans les canapés en cuir de leurs salons feutrés, qu’aux laborieuses populations qui, aujourd’hui, fuient les combats, errant de bleds en bleds et déchirées par la guerre.
Au sortir de cette tragédie, et avant d’ensevelir la montagne de cadavres qui doit peser sur leur conscience, les Ivoiriens doivent comprendre que tous les extrêmismes sont à bannir, quels que soient leurs motivations, leurs prophètes et leurs relais.
Car, entre les conseils fumeux du diable (qu’il soit dans le cerveau, dans le pantalon ou ailleurs) et l’illusion du pouvoir, ceux qui, comme Nelson Mandela, veulent garder des traces indélibiles dans l’histoire, savent se placer bien au-dessus de la bassesse des hommes et de la futilité de leur vanité.
Par Saliou Samb